Quatre mégots tous les dix mètres dans les grandes villes, plus de 23 milliards jetés dans la nature chaque année en France : pour faire face à ce fléau, les communes disposent, avec un nouvel éco-organisme dédié, d’outils supplémentaires, mais qu’elles jugent insuffisants.
Ainsi débute une dépêche AFP, signée Catherine Houris, que nous reprenons (voir 12 et 13 février).
•• Plus de 900 communes, soit un quart de la population, se sont à ce jour accordées avec l’éco-organisme Alcome de la filière « pollueur-payeur » du tabac pour qu’il les aide à réduire le nombre de mégots dans l’espace public. Issu d’une loi de 2020 instaurant une responsabilité du producteur (REP) face à ce fléau environnemental, ce dispositif, financé par les fabricants de cigarettes et de filtres, vise une couverture de 75 % du territoire fin 2024.
Quelque 23,5 milliards de mégots, aux filtres concentrant polluants et plastiques, sont jetés au sol ou dans la nature chaque année en France, selon l’État. Aujourd’hui, on trouve en moyenne plus d’un mégot (1,3) tous les dix mètres de voirie.
Dans les grandes villes, c’est 4,5 (0,8 en zones rurales, 1,2 en zones touristiques, 1,7 dans les villes moins denses), selon un bilan réalisé par Alcome, les pouvoirs publics et l’Ademe. Un nouveau comptage est prévu en 2025 pour mesurer les progrès, a expliqué à l’AFP Marie-Noëlle Duval, directrice générale d’Alcome, à qui l’État a fixé l’objectif de diminuer de 40% les mégots au sol d’ici à 2027.
•• Cette aide consiste en un soutien financier au nettoiement à hauteur de 2,08 euros par habitant pour les zones urbaines denses, 1,58 euro pour les touristiques, 1,08 euro pour les urbaines moins denses et 50 centimes pour les zones rurales. Les communes reçoivent aussi des cendriers de poche, éteignoirs/poubelles de rue, kits de communication… En contrepartie, la collectivité doit établir chaque année un bilan des actions réalisées.
Parmi les signataires figurent Paris, Lyon, Marseille, Rouen, Beauvais, mais aussi La Ferté-sous-Jouarre en Seine-et-Marne ou Lalinde en Dordogne.
•• Pour sa montée en puissance en 2024, Alcome, premier éco-organisme du genre en Europe, a doublé son budget par rapport à 2023, à 61 millions d’euros. Sur cette somme, quelque 49 millions iront aux communes, le reste financera notamment des campagnes de communication et événements (cet été à l’occasion du Tour de France, des Jeux olympiques, de festivals).
« L’enjeu principal est d’inciter le fumeur à changer de comportement », souligne Mme Duval, « jusqu’à présent, il ne perçoit pas que son mégot peut se retrouver dans les rivières et océans. On a bon espoir que ces techniques incitatives soient efficaces. »
L’association de collectivités Amorce se dit pour sa part « pour l’instant (…) globalement déçue ». « Les moyens sont insuffisants en particulier dans le monde rural », juge son délégué général, Nicolas Garnier. Il attend « une densification des cendriers de rue ». « Les études montrent que si le fumeur n’a pas un cendrier dans son champ de vision, il a tendance à mettre son mégot par terre », précise-t-il, alors que Alcome a été rappelé à l’ordre en 2023 par les pouvoirs publics sur l’avancée du financement des cendriers.
•• Megève, ville-pilote des outils proposés par l’éco-organisme, en a constaté l’hiver dernier un impact positif. Quand la station alpine passe de 3 000 à 40 000 habitants, les mégots s’accumulent près des lieux festifs, des terrasses, des arrière-cuisines, dans la neige…
« On avait besoin d’être accompagnés sur ce problème, ils sont tombés à pic », raconte Jean-Pierre Chatellard, adjoint chargé de l’environnement. Des cendriers de poche ont été distribués par les buralistes, aux caisses des remontées mécaniques, en haut des pistes. « On a beaucoup communiqué. Et ça a bien marché », signale-t-il.
Si ce n’est qu’un an plus tard, « on voit un peu de laisser-aller, plus d’incivilités. Il faut relancer la communication, la pédagogie », ajoute l’élu, qui « ne veut pas rentrer dans le jeu » des amendes, même s’il l’envisage. « Le mégot est le plus petit des déchets, c’est celui qui est négligé », relève-t-il, « alors qu’un mouchoir par exemple se voit. Pour les gens, il n’est pas très important, alors on a besoin de leur expliquer ».