L’Institut économique Molinari vient de publier la 6e édition de son classement des « États moralisateurs » (voir 25 novembre 2019 et 15 octobre 2023).
Ce classement présente la spécificité de prendre le pouls de l’inflation réglementaire sur les produits du tabac, les substituts avec nicotine, l’alcool, les aliments et les boissons sans alcool au sein des pays de l’Union européenne et limitrophes.
Il permet de suivre l’évolution des interdits et des fiscalités particulières destinées à réduire la consommation en imposant des contraintes et des coûts aux consommateurs, et de réaliser le manque de pragmatisme de nombre de pays en matière de limitation des risques, y compris quand des substituts moins risqués existent.
Quel classement européen
Les « États moralisateurs » sont les pays les plus en pointe dans la réglementation ou la fiscalisation des comportements jugés « à vice », en lien avec la consommation de produits du tabac, de substituts avec nicotine, d’alcool, ou d’aliments et boissons sans alcool.
Pour la 2e fois consécutive, la Turquie (1re sur 29) est la championne des réglementations moralisatrices. Elle est suivie dans cette nouvelle édition de la Lituanie (2e) et de la Finlande (3e).
À l’opposé, les pays les moins moralisateurs sont l’Italie (27e), le Luxembourg (28e) et surtout l’Allemagne (29e).
La France, 11e
La France est en 11e position, en position intermédiaire dans la catégorie des pays moyennement moralisateurs. En 2023, elle était en 13e position, ce qui marque un léger durcissement.
La réglementation française est particulièrement contraignante en matière de tabac (4e position sur 29). En ce qui concerne les substituts au tabac contenant de la nicotine, la France continue d’avoir une approche moins moralisatrice que celle de ses voisins (26e position sur 29). Dans le domaine de l’alcool, elle est en 9e position et 7e pour ce qui est de l’alimentation et boissons.
La prévention par la punition… cela ne marche pas tant que cela
Les réglementations et taxes « comportementales », loin d’être neutres, créent des distorsions et des surcoûts.
Des règles trop drastiques et des prix trop élevés alimentent le marché noir et la corruption, voire le report sur des produits nocifs comme cela a pu être le cas avec l’essor du tabac à rouler dans les 14 années qui ont suivi la mise en place de la loi Evin.
Les interdictions favorisent la croissance de la bureaucratie et consomment des ressources administratives.
Dans le même temps, elles restreignent la concurrence et étouffent l’innovation.
Ces effets pervers sont parfois reconnus, mais certains considèrent qu’ils sont un moindre mal compte tenu des enjeux. Les bénéfices des mesures comportementales seraient supérieurs à leurs coûts. Pourtant, la prévention par la punition fiscale et/ou réglementaire – poursuivie depuis des décennies – ne démontre pas son efficacité de manière évidente.
En effet, il n’y a pas de corrélation évidente entre les scores obtenus dans le cadre de l’indicateur et l’espérance de vie (R² = 0,19). Ni de corrélation entre les années de vie en bonne santé et l’indicateur des États moralisateurs (R² = 0,08). Par contre, il existe un lien étroit entre espérance de vie et richesse (R² = 0,49).
21 pays taxent les e-liquides
La Belgique est devenue le premier pays de l’UE à interdire les cigarettes électroniques jetables dites puff en janvier 2025. Depuis le 25 février 2025, la France lui a emboîté le pas et va être suivie du Royaume-Uni.
Les sachets de nicotine qui ne contiennent pas de tabac sont interdits en Allemagne, en Belgique et à Chypre, et réglementés de manière si stricte en Lettonie et aux Pays-Bas qu’ils pourraient tout aussi bien être interdits. La France et la Lituanie envisagent désormais de les interdire également.
Surtout, le vapotage fait l’objet de plus en plus en plus de mesures fiscales ou de restrictions. Le nombre de pays qui taxent les liquides pour les cigarettes électroniques est passé de 15 à 21, et d’autres taxes sur le vapotage sont en préparation, notamment au Royaume-Uni et en Irlande.
L’interdiction des arômes touche désormais 8 pays, dont la Lettonie, la Lituanie et les Pays-Bas.
Or de nombreux experts en France comme à l’étranger pensent que le vapotage présente moins de risques que la cigarette traditionnelle. C’est notamment le cas de l’Académie de la science, de l’ingénierie et de la médecine (États-Unis), de l’Office for Health Improvement and Disparities ou du Collège royal des médecins (Royaume-Uni).
Selon Cécile Philippe, présidente de l’Institut économique Molinari :
« Une bonne stratégie comportementale doit miser sur les produits de substitution moins risqués en les favorisant par rapport à ceux qui sont plus risqués.
L’approche fiscale ou prohibitionniste ne devrait en aucun cas être considérée comme un absolu. D’autres approches devraient être considérées de manière pragmatique, en particulier quand des substituts intéressants existent.
C’est potentiellement le cas avec la cigarette électronique, qui présente moins de risques que la cigarette traditionnelle selon un nombre significatif d’experts reconnus.
Le choix du consommateur doit être pris en compte, car c’est lui qui observe ou pas les recommandations de santé publique.
Il est important qu’il puisse accéder à des alternatives limitant ses risques pour éviter que des stratégies de contournement se développent et favorisent le trafic illicite, le marché parallèle voire le recours à des substituts plus nocifs. »