Une fenêtre sur l’actualité quotidienne de tous les événements liés directement ou indirectement au tabac
5 Juin 2023 | Vapotage
 

Président de la région Europe chez Philip Morris International, Massimo Andolina (voir 23 mai) défend dans un entretien avec Valeurs Actuelles un monde sans cigarettes traditionnelles.

•• Dans votre communication, vous indiquez souhaiter « un avenir sans fumée ». N’est-ce pas contradictoire pour une entreprise qui commercialise des cigarettes ?

Massimo Andolina : Depuis 2008, nous avons investi plus de 10 milliards d’euros dans la recherche scientifique, le développement, la fabrication et la commercialisation d’alternatives à la cigarette. Ces alternatives comme le tabac à chauffer, la cigarette électronique ou les sachets de nicotine sont des produits sans combustion. C’est en effet le processus de combustion du tabac qui entraîne la production de niveaux élevés de substances chimiques nocives présentes dans la fumée de cigarette. 

L’idée est donc d’offrir au fumeur adulte qui n’arrête pas de fumer une expérience proche de la cigarette traditionnelle, mais sans combustion. L’équation est simple : pas de combustion, pas de fumée et donc des niveaux de substances dangereuses significativement inférieurs. Et la recherche scientifique (la nôtre et celle de dizaines d’institutions indépendantes et gouvernementales) est claire : ces produits ne présentent pas un risque zéro mais sont clairement un meilleur choix que de continuer de fumer. 

D’ici 2025, nous souhaitons que la moitié de notre chiffre d’affaires mondial provienne de la vente de produits sans combustion. Cet « avenir sans fumée » a déjà débuté, puisqu’aujourd’hui, ces produits représentent déjà plus d’un tiers de notre chiffre d’affaires. 

•• Cet appareil, qui chauffe le tabac plutôt que de le brûler, n’est-il pas nocif pour la santé ?

M. A. : La meilleure manière de réduire les risques pour la santé est d’arrêter de consommer tous produits de la nicotine. Cependant il faut penser aux fumeurs qui continuent et continueront de fumer ! Alors oui, pour ces derniers qui représentent la majorité des fumeurs, le tabac chauffé est clairement un meilleur choix que de continuer la cigarette.

•• Philip Morris International est un géant du tabac. Ce n’est pas dans l’intérêt de l’entreprise que le consommateur arrête de fumer ?

M. A. : C’est notre mission ! Nous souhaitons que le consommateur remplace les cigarettes par des produits sans combustion, tels que le tabac chauffé ou la cigarette électronique, s’il n’arrête pas complètement tout produit nicotinique. Aujourd’hui, il y a plus d’1 milliard de fumeurs dans le monde. Alors, nous voulons offrir la possibilité à toutes ces personnes d’avoir accès à des produits moins nocifs, et être informés sur les risques et bénéfices de ces produits. 

•• Avec 31 % de fumeurs, la France est un des pays de l’Europe où l’on fume le plus. Paradoxalement, c’est quasiment le pays où le paquet de cigarettes est le plus cher. Comment expliquez-vous cette ambiguïté ?

M. A. : La France compte toujours 15 millions de fumeurs. Et pourtant, beaucoup de mesures ont été prises : création du paquet neutre pour limiter l’attractivité des marques, messages sanitaires, restrictions aux points de vente, hausses fiscales… Le prix du paquet a augmenté de façon très agressive : hausse de trois euros en six ans en moyenne. En Europe, c’est du jamais vu.

Quelles ont été les conséquences ? La prévalence du nombre de fumeurs n’a même pas diminué et en plus les fumeurs ont trouvé un contournement de la taxe en s’approvisionnant sur les marchés illicites. Conséquence supplémentaire : cette hausse des prix creuse les inégalités sociales. Aujourd’hui, un chômeur sur deux fume, alors que dans les strates les plus élevées de la société, la prévalence est de 26 %.

•• Si, après avoir répété pendant vingt ans à un fumeur qu’il doit arrêter de fumer, celui-ci n’arrête pas, que fait-on ?

M. A. : Le Portugal et la Suède comptent une très faible population de fumeurs. Pourquoi fume-t-on moins dans les autres pays d’Europe ? S‘il y a moins de fumeurs dans les pays voisins, c’est parce qu’ils sont mieux informés et accompagnés, notamment sur l’existence d’alternatives à la cigarette.

Il n’est pas si simple pour un fumeur d’arrêter de fumer : en plus de proposer des alternatives, il faut l’accompagner dans son changement, pour l’aider à abandonner la cigarette. Sans quoi, le consommateur aura tendance à y retourner.

En France, nous aimerions que les fumeurs adultes soient davantage informés sur les alternatives à la cigarette, soit sur le tabac chauffé et sur les cigarettes électroniques pour les aider ainsi à sortir de la cigarette. Mais c’est interdit, contrairement à d’autres pays en Europe et ailleurs. La limitation sur la communication sur les produits du tabac est draconienne. C’est évident que l’on met des barrières qui rendent bien plus difficile la cessation de la cigarette. Les Français n’ont pas le droit à l’information à ce sujet.

•• Pourtant il existe déjà des initiatives d’information, tels que le « Mois sans tabac », ou bien des guides pour arrêter de fumer. Cela ne suffit pas ?

M. A. : La politique française de santé publique repose sur deux piliers : la prévention et la cessation. Si on ne commence pas à fumer des cigarettes, on ne devient pas fumeur. Si on en consomme, il faut arrêter. Mais si, après avoir répété pendant vingt ans à un fumeur qu’il doit arrêter de fumer, celui-ci n’arrête pas : que fait-on ? Ni la hausse des prix, ni la création de paquets neutres ne les convaincront tous !

Les lois françaises relatives à la politique du tabac sont insuffisantes, voire contre-productives. D’autres pays européens ont pris le sujet au sérieux et sont allés un cran plus loin, en mettant en place un troisième pilier : la réduction des risques basée sur une approche scientifique, dont fait partie le tabac chauffé.

C’est le cas de l’Angleterre ou de la Grèce, par exemple. Ces pays sont sortis d’un débat affectif et idéologique, pour aller vers un débat factuel, basé sur la science. Il y a quinze ans, l’Angleterre comptait 30 % de fumeurs, comme la France ; aujourd’hui, ils sont descendus à 13,3 %. En Nouvelle-Zélande, c’est le ministère de la Santé qui mène des campagnes pro-actives pour encourager les alternatives à la cigarette. La France ne modernise pas son approche, elle ne tient pas compte du fumeur.

•• Puisque l’objectif de Philip Morris International est de promouvoir le tabac chauffé, peut-on dire que l’on se dirige vers la fin de la cigarette ?

M. A. : Absolument. Nous l’avons affirmé. Nous sommes prêts à sortir du marché de la cigarette. Et nous serons les premiers à abandonner la cigarette pour des produits alternatifs. La condition pour cela est que les fumeurs bénéficient de la bonne information. La cigarette traditionnelle est dépassée.

Dans nos bureaux à Lausanne, sans avoir poussé qui que ce soit, plus personne ne fume. On n’arrive même plus à trouver un briquet quand on en cherche. Lorsqu’un fumeur a adopté le tabac chauffé, il ne revient plus à la cigarette.