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17 Juin 2024 | Trafic
 

Contrebande et contrefaçon font de la France une destination privilégiée des trafiquants de cigarettes. C’est ainsi que commence un article du Journal du Dimanche (daté du 16 juin), signé Geoffroy Antoine et Victor Lefebvre, que nous reprenons dans son intégralité.

Un trafic illégal peut en éclipser un autre. Alors qu’une récente commission d’enquête sénatoriale alertait sur une France « submergée » par le narcotrafic, le trafic de cigarettes bat des records : en quatre ans, plus de 1 800 tonnes de tabac ont été saisies par la Douane sur le territoire national. Une augmentation constante qui fait craindre l’installation durable, en France, d’un nouveau marché parallèle dont les modes opératoires n’ont rien à envier au narcotrafic.

•• Règlements de compte, blanchiment dargent, traite d’êtres humains, les faussaires du tabac nont peur de rien pour bâtir leurs empires ultralucratifs.

Alors que le prix du paquet de cigarettes oscille en France entre 11 et 13 euros, les buralistes ont vu leurs ventes baisser irrémédiablement. « En lespace de six mois, les buralistes d’Île-deFrance ont constaté une baisse moyenne de 14 % de leur chiffre daffaires. Les flux de consommateurs dans nos points de vente ont diminué de 20 % », confie ainsi Philippe Alauze, président de la Fédération des chambres syndicales des buralistes d’Île-de-France, de lOise et de la Seine-Maritime.

Un paquet issu du trafic ne dépassant pas les 5 euros (soit un tarif plus de deux fois moins élevé que celui du marché), les consommateurs s’adaptent. D’autant que les revendeurs ne reculent devant aucune pub : « Ils profitent des flux en se plaçant de manière opportuniste devant les bureaux de tabac », poursuit Philippe Alauze, qui regrette « linsécurité grandissante » causée par ce marché parallèle.

Derrière la vitrine du tabac de contrebande – des vendeurs à la sauvette, souvent en situation irrégulière – se cachent des réseaux tentaculaires et organisés, passés maîtres dans la logistique et la distribution.

•• Pour comprendre le phénomène, « il faut distinguer l’importation illégale de la contrefaçon », explique Corinne Cléostrate, sous-directrice de la Lutte contre la Fraude à la Direction générale des Douanes

Dans le premier cas, il sagit de convoyer en France des cigarettes achetées à l’étranger : depuis l’Espagne, la Belgique ou certains pays d’Europe de l’Est, où le prix du paquet est ultraconcurrentiel.

Dans le second cas, on parle de manufacture à grande échelle, où « des usines clandestines produisent jusqu’à 1 million de cigarettes contrefaites par jour », poursuit Corinne Cléostrate. Une véritable industrie parallèle, où esclavage moderne se conjugue avec discrétion absolue.

•• L’État lui-même est lésé : selon les calculs de l’Observatoire français des Drogues et des Tendances addictives (OFDT), le marché parallèle de tabac représente jusqu’à 7 milliards d’euros de recettes fiscales non perçues, dont près de la moitié sur la seule contrefaçon.

Pour l’ensemble de la filière dite « légale » (le manufacturier, le distributeur et les quelque 23 000 buralistes français), c’est une perte annuelle de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires. « Au total, on constate que 22 milliards de cigarettes passent sous les radars chaque année », jure Xavier Puech, le président de Philip Morris France (voir 27 février 2024).

•• À l’autre bout du spectre, la manne est en revanche colossale : 400 millions de paquets contrefaits consommés chaque année représentent environ 2 milliards d’euros de revenus illégaux. À titre de comparaison, le narcotrafic génère entre 3,5 et 6 milliards d’euros par an.

Selon une étude du cabinet KPMG, le seul marché français concentrerait 62 % de toute la consommation de cigarettes contrefaites au sein de l’Union européenne ; une véritable mine d’or, bien loin des poches de l’administration fiscale (voir 26 juillet 2023).