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19 Avr 2024 | Pression normative
 

Les députés anglais ont voté, ce 16 avril, en faveur d’un projet de loi visant à rendre illégal à vie l’achat de tabac pour toute personne née à partir du 1er janvier 2009 (voir 17 et 18 avril). Une telle mesure pourrait-elle être envisagée en France ? Le Figaro a posé la question à deux constitutionnalistes.

« Je reste très dubitatif, a priori, sur la possibilité qu’on aurait de prononcer une telle interdiction », commente Benjamin Morel, maître de conférences en Droit public à l’Université Paris-2-Panthéon-Assas.

Deux questions se poseraient, selon lui, aux juges du Conseil constitutionnel. « Il y a dabord celle de la liberté, cest-à-dire de restreindre à certaines catégories d’âges et pas à dautres alors que les majeurs sont considérés comme émancipés ».

Dans un second temps, s’imposerait la question de la proportionnalité. Dans l’Hexagone, le tabac est responsable de 75 000 décès chaque année. Il s’agit de la première cause de mortalité précoce, de la première cause de mortalité par cancer, mais aussi de la première cause de mortalité cardiovasculaire évitable. « Le tabac est nuisible, certes. Mais, même s’il crée un effet d’accoutumance, il ne produit pas d’effet socialement dommageable, hormis, éventuellement, le tabagisme passif. On nuit à nous-même, pas, ou peu, à autrui », estime-t-il.

Didier Maus, professeur de Droit constitutionnel à lUniversité Aix-Marseille, abonde : « On peut interdire individuellement à des personnes de faire un certain nombre de choses grâce à des condamnations pénales. Mais je ne vois pas comment on pourrait justifier linstauration dune interdiction générale pour une classe d’âge qui va évoluer. Cette interdiction à vie pour une certaine catégorie de la population me paraît compliquée à mettre en œuvre et contraire au principe de la liberté individuelle », ajoute-t-il.

In fine, « le législateur devrait montrer que l’interdiction générale et absolue pour des motifs de santé publique est proportionnée à la restriction des libertés que cela implique », conclut Benjamin Morel.