Suite à la publication des résultats 2022 de la Française des Jeux (voir 15 février et ce jour), l’AFP a publié un communiqué que nous reprenons.
Héritière de la loterie nationale dont elle conserve le monopole, cotée en Bourse, la Française des Jeux (FDJ) ne cache pas ses ambitions sur le secteur entier des jeux d’argent, du poker en ligne aux paris hippiques, s’attirant une surveillance attentive du régulateur.
Privatisée fin 2019, la FDJ a vu l’an dernier son chiffre d’affaires croître de 9 % à 2,5 milliards d’euros, soit environ le double de son objectif annuel pour 2022-2025.
•• Le groupe réalise à lui seul « la moitié du chiffre d’affaires du secteur » des jeux d’argent et de hasard, soulignait Isabelle Falque-Pierrotin, présidente de l’Autorité nationale des jeux (ANJ) qui les supervise, lors d’une audition au Sénat, le 1er février (voir 4 et 7 février).
Ce « très gros acteur mobilise tous les leviers à sa disposition » pour accroître son activité : or cela doit « se faire en respectant le cadre autorisé du monopole », complétait-elle. Outre les jeux de tirage (Loto, Keno, Euromillions) et de grattage (Cash, Astro, Black Jack, Bingo …), la FDJ a étendu ses activités au poker en ligne et aux paris sportifs (Parions Sport) et bientôt aux paris hippiques, avec le rachat récent de ZEbet (ZEturf).
Le mastodonte des jeux d’argent a une « stratégie promotionnelle extrêmement active » sur internet et à la télévison, « tout long de l’année : vendredi 13, Saint-Valentin, jour de Pâques … », relevait Mme Falque-Pierrotin.
Or une jurisprudence de la Cour de justice européenne confirmée par le Conseil d’État, disait-elle, stipule que les monopoles « ne sont autorisés que lorsqu’il y a des objectifs d’intérêt général » sous réserve que « leur croissance reste modérée et qu’ils ne procèdent pas à une stimulation active de leurs clients ».
•• Pour que la FDJ reste « dans les clous » de cette « croissance modérée », l’ANJ a « énergiquement conseillé » au groupe de « restreindre son activité promotionnelle » en 2022, ce qui « n’a pas été complètement le cas », a admis la présidente du régulateur.
L’ANJ approuve chaque année les stratégies promotionnelles des entreprises actives dans le secteur des jeux d’argent. Son autre levier d’action pour prévenir le jeu excessif et lutter contre l’addiction, l’une de ses missions principales, est d’encadrer l’offre de jeux de chaque opérateur, soumise à son autorisation.
Dans ce cadre, le régulateur a « demandé à plusieurs reprises à la société de redimensionner ses jeux les plus addictifs, Amigo ou Bingo Life », a expliqué la présidente de l’ANJ.
La PDG de la Française des Jeux Stéphane Pallez, a annoncé en présentant les résultats annuels du groupe mercredi qu’en conséquence, le groupe allait faire des « changements assez significatifs en juin » sur son jeu phare Amigo.
•• En outre, la stratégie publicitaire du groupe peut conduire à une « banalisation problématique du jeu d’argent » lorsqu’elle mobilise « des enjeux d’intérêt général consensuels », comme avec le Loto du patrimoine, qui finance la restauration des monuments historiques.
« Progressivement on accrédite l’idée qu’intérêt général, monopole et jeux d’argent peuvent aller ensemble », a jugé la présidente du régulateur. C’est pourquoi l’ANJ est défavorable au « Loto de la biodiversité » qui verra bientôt le jour, le jugeant de nature à attirer les jeunes, sensibles aux enjeux de préservation de l’environnement.
•• Malgré leur interdiction aux mineurs, plus d’un tiers des adolescents (34,8 %) jouent aux jeux d’argent dès l’âge de 13 ans, selon une récente enquête commandée à l’association Sedap par l’ANJ et parmi eux, avec une proportion de joueurs « problématiques » qui a triplé depuis 2014, à 34,8%.
Or les mineurs privilégient les jeux de grattage (53 %), la loterie (16 %) et les paris sportifs (13 %) et neuf sur dix disent avoir vu des publicités, en premier lieu celles de Winamax et de la FDJ, selon l’enquête. Les jeunes sont aussi de plus en plus nombreux parmi les personnes inscrites au fichier des interdits volontaires de jeux, passées de 40 000 fin 2021 à 46 638 fin 2022.
Pour la première fois en 2022, la FDJ a suspendu l’agrément d’une centaine de commerçants (bar-tabac…) — les privant de 20 à 40 % de leur chiffre d’affaires pendant 15 jours — pris en flagrant délit de vente aux mineurs dans le cadre de quelque 2 700 « visites mystères », des contrôles inopinés réalisés par le groupe.