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1 Mai 2016 | International, Profession
 

Cigares TampaL’homme s’enfonce dans son fauteuil, installé au dernier étage de l’usine, allume un cigare frappé du nom de son grand-père et après une bouffée, médite sur la possibilité de voir son héritage familial s’envoler en fumée. Telle est l’introduction d’une dépêche AFP de ce 30 avril nous relatant l’ambiance chez le dernier producteur de cigares de Tampa (Floride). Alors qu’une évolution de la réglementation représente une nouvelle menace pour ce segment.

Éric Newman est inquiet. À 68 ans, il explique vivre avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête : de nouvelles régulations de l’Agence sanitaire américaine, la FDA, qui pourraient tomber d’un jour à l’autre, menacent l’affaire que les Newman se transmettent de père en fils, en rendant aussi coûteuse que complexe la mise sur le marché de nouveaux cigares.

« Ces régulations nous tuent », peste le patron de la J.C. Newman Cigar Company, dernier vestige du genre à Tampa, ville du sud-est des Etats-Unis autrefois considérée comme la capitale mondiale du cigare.

Un étage plus bas, le vrombissement d’une machine qui a traversé les âges emplit la salle où les travailleurs s’affairent à écraser les feuilles de tabac, englouties dans l’enchevêtrement mécanique pour ressortir, en bout de chaîne, sous forme d’épais cigares. L’usine se veut artisanale et joue sur un savoir-faire centenaire autant que sur des équipements traditionnels, vieux pour certains de 90 ans.

Cigares TampaInstallée dans le nord des États-Unis à la fin des années 1880 par le grand-père d’Éric Newman, elle a déménagé à Tampa, en Floride, en 1953 et produit aujourd’hui quelque 65.000 cigares chaque jour.

Sur les 13 milliards de cigares vendus annuellement aux Etats-Unis, seul 320 millions sont des « premium » comme ceux de Newman, s’enorgueillit celui qui compare son entreprise à « une mouche sur un éléphant ». Il espère de ce fait obtenir une dérogation de la FDA pour continuer à commercialiser ses produits.

Au fil des décennies et des coups portés à cette industrie, Tampa a perdu son rôle de capitale du cigare au profit de pays comme le Nicaragua ou le Honduras, explique Rodney Kite-Powell, conservateur au Centre de l’Histoire de la baie de Tampa.

Les 150 usines qui prospéraient dans les rues de la ville, ouverte sur le Golfe du Mexique, sont toutes parties et J.C Newman se retrouve désormais seul étendard d’une industrie jadis florissante.

« Il semble que si les régulations de la FDA devaient s’appliquer, cela porterait un coup fatal à l’industrie du cigare de Tampa », estime Rodney Kite-Powell, pour qui « l’impact financier serait trop grand pour être surmonté ».

Les experts sanitaires sont eux convaincus du bien-fondé des propositions de la FDA, qui prévoit pour la première fois une série de régulations sur les produits tabacologiques, du cigare à l’e-cigarette, rappelle l’AFP dans cette même dépêche.

« Il y a beaucoup de marketing autour du cigare qui cible les jeunes aujourd’hui, et nous sommes très inquiets du fait que cela les incite à fumer massivement », prévient le Dr. Olveen Carrasquillo, à la faculté de médecine de l’université Miami Miller.

« Beaucoup de personnes ont de fausses idées selon lesquelles les cigares seraient, d’une certaine manière, moins dangereux que les cigarettes. Ils contiennent en réalité les mêmes agents chimiques vecteurs du cancer », déplore-t-il.

Les régulations proposées par la FDA, annoncées en avril 2014, devraient contenir des exemptions pour les cigares définis comme « premium », mais les contours de celles-ci ne sont pas encore définis. « La régulation est une procédure complexe et cette proposition a engendré 135 000 commentaires », a expliqué un porte-parole de la FDA à l’AFP, sans donner de date pour une décision. Une fois ces nouvelles règles en place, les industriels bénéficieront de deux années pour se mettre aux normes.

Éric Newman s’attend à ce que la FDA réclame des tests sur tous les produits fabriqués après 2007, ce qui coûterait, selon lui, un million de dollars. « Nous ne sommes pas l’ennemi », clame-t-il. « Laissez-nous tranquilles. Voilà notre message pour Washington ».