Cinq anciens hauts gradés des douanes ont été condamnés, ce 28 septembre, à Paris à des peines de prison pour une série de « dérives » impliquant un informateur controversé, dans une affaire qui a porté une « atteinte exceptionnelle » à l’institution selon la justice (voir 27 et 8 mai). Tel est le début d’une dépêche AFP, signée Jeremy Tordjman, que nous reprenons.
•• Dans l’espoir de gonfler les chiffres des saisies, ces responsables ont fait appel entre 2011 et 2015 à un « aviseur », Zoran Petrovic, l’ont rémunéré en échange d’informations et ont fermé les yeux sur ses importations de marchandises contrefaites.
L’ancien militaire serbe, inscrit sur une liste noire, a ainsi occupé « un rôle aussi significatif que dévastateur » malgré sa « dangerosité avérée » et ses liens avec la criminalité organisée, a dit la présidente du tribunal correctionnel, Bénédicte de Perthuis, en rendant le jugement. L’enquête a, par ailleurs, établi que Zoran Petrovic avait pu importer en France plusieurs tonnes de café contrefaits et possiblement 75 tonnes de tabac de contrebande.
Au cœur de ce système frauduleux, le tribunal a d’abord épinglé Vincent Sauvalère, patron de la puissante Direction des Opérations douanières (DOD) de 2008 à 2014, « sans qui rien ne serait arrivé » : c’est lui qui recrute M. Petrovic en 2009 et va en faire, malgré son pedigree, un « indic » de choix au nom d’une « conception très particulière » de l’intérêt du service.
•• Reconnu coupable de « corruption », Pascal Schmidt, ancien chef de la DOD au port du Havre, était devenu « beaucoup trop proche » de son « aviseur », a jugé le tribunal: il conservera ainsi dans son bureau 800 000 euros remis par M. Petrovic et recevra de sa part une Rolex et un boîtier Chopart.
À ces trois hommes, le tribunal correctionnel a réservé la plus lourde peine: cinq ans de prison dont deux ferme et aménageables, assortis pour M. Sauvalère d’une exclusion définitive de la fonction publique.
Ce dossier a porté une « atteinte exceptionnelle » à l’image des Douanes et conduit à « dévoyer tout le système de gestion des aviseurs », a souligné la présidente Bénédicte de Perthuis, dont le tribunal est allé un peu plus loin que les réquisitions.
•• L’affaire avait été déclenchée par une saisie record, et suspecte, de 43 tonnes de café en région parisienne en 2015, derrière laquelle les enquêteurs avaient fini par identifier le trouble système d’échanges entre la DOD et M. Petrovic.
Selon l’enquête, ce « tonton » aux multiples surnoms (« Z », « Alex », « Le Grand ») a certes permis aux douanes de réaliser 32 saisies de 2011 à 2015, mais il a été « abusivement » rémunéré à hauteur de plus de 400 000 euros dans des conditions troubles assimilables à des « détournements de fonds publics ».
« Atypique et irrégulier », le circuit de paiement n’était ainsi « pas sécurisé et laisse planer un doute sur l’identité réelle du destinataire des fonds publics », a estimé le tribunal. Sa présidente a, par ailleurs, jugé « contraire aux intérêts de l’État » la rémunération d’un aviseur qui met « en danger des agents » et importe des marchandises contrefaites.
•• Pour avoir négligé les alertes sur ces versements d’argent non-conformes, l’ex-patron de la Direction nationale du Renseignement douanier (DNRED) , Jean-Paul Garcia, a été condamné à un an de prison avec sursis. « Sa négligence a confiné à la complaisance », a critiqué la présidente.
Le successeur de M. Sauvalère à la tête de la DOD entre 2014 et 2017, Erwan Guilmin, a lui été condamné à un an de prison ferme, tout comme son ancienne adjointe Magali Noël. Le tribunal a condamné plusieurs des prévenus à verser au total plus de 346 000 euros de dommages et intérêts à l’État.
Deux autres prévenus qui n’exerçaient pas de fonctions dans les douanes étaient également jugés : l’un a été condamné à dix-huit mois de prison avec sursis, le second a été relaxé.