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27 Mai 2022 | Trafic
 

L’AFP revient sur le procès au long cours (voir 8 mai) mettant en cause certains douaniers et leurs méthodes d’enquêtes pour des faits remontant à 7 ans. Extraits.

Il a accepté de garder 800 000 euros en liquide pour le compte de son « tonton » par simple « empathie » : soupçonné de corruption, c’est le récit « rocambolesque » qu’a servi l’ancien chef du renseignement douanier au Havre, ce 25 mai, au tribunal correctionnel de Paris.

Dans ce procès qui dure depuis le 9 mai, six ex-cadres des douanes sont soupçonnés d’avoir fermé les yeux sur les trafics d’un de leurs informateurs fétiches grâce à qui ils auraient monté de toutes pièces des importations de café pour gonfler artificiellement les chiffres des saisies. Et le tribunal tente de comprendre comment cet indic trouble a fini par totalement dominer son agent traitant.

•• À la barre, l’ex-chef d’antenne au Havre de la Direction des Opérations douanières (DOD), bras armé de la puissante Direction nationale du Renseignement douanier (DNRED), tente de dissiper les lourds soupçons de corruption qui pèsent sur lui.

Plus de 800 000 euros en liquide ont été retrouvés dans son bureau et à son domicile fin 2016, lors d’une perquisition après laquelle un autre douanier du Havre s’est suicidé. Un magot qui ressemble fort, selon l’enquête, à une récompense de la part de son informateur, soupçonné d’avoir pu faire passer des conteneurs probablement remplis de tabac de contrebande au port du Havre, sans aucun contrôle.

L’ex-chef d’antenne assure qu’il ne faisait que garder temporairement cet argent pour son « aviseur », effrayé par une perquisition policière quelques temps auparavant. Lorsqu’il lui remet l’essentiel du cash « dans l’urgence », cet ancien militaire serbe lui assure qu’il doit le récupérer « dans dix jours ».

•• Pourquoi avoir accepté un tel service, en violation avec toutes les règles de gestion d’un informateur ?

« Sur le coup, je ne réfléchis pas », reconnaît le douanier. S’il a franchi la ligne rouge sans en informer personne, c’est par « empathie pour la source parce que je le connais depuis cinq ans. (…) On ne reste que des humains », se justifie-t-il, en livrant de son propre aveu une histoire « un peu rocambolesque ». En face, la présidente s’étonne de ces explications « pas forcément très vraisemblables ».

« La source » qui a longtemps été l’informateur fétiche des Douanes, avec 32 opérations de saisies apportées contre lesquelles il a touché plus de 400 000 euros, n’avait-il pas un coffre ou d’autres amis plus proches chez qui cacher cet argent ? À la barre, cet ancien militaire serbe a corroboré en tous points le récit du douanier à qui il a également offert une montre de luxe Chopard.

C’est une perquisition chez lui dans une autre affaire de stupéfiants, où les policiers ont saisi 100 000 euros en petites coupures, qui l’a décidé à relocaliser le cash, majoritairement acquis selon lui grâce à ses collaborations avec la Douane. « Je pensais qu’il serait mieux chez l’agent traitant qui avait connaissance de sa provenance » a assuré l’indic, bras croisés sur son torse corpulent ( …)

•• Depuis trois semaines, les juges tentent de comprendre si l’ex-chef d’antenne est le seul qu’on peut soupçonner d’avoir fauté dans le système opaque autour de l’informateur serbe, révélé par une saisie douteuse de 43 tonnes de café contrefait en 2015, dont l’intérêt a été sérieusement remis en cause par l’enquête: le robusta de piètre qualité aurait difficilement pu être écoulé.