Épisode numéro 37 de la revue de presse des témoignages de buralistes à travers les régions (voir 24 et 23 juin).
•• À peine trois personnes, ce matin du 24 juin, à faire tranquillement la queue devant ce tabac-presse de Tourcoing. Loin, très loin des dizaines de clients qui patientaient là, tous les jours, lors du confinement. « La file d’attente atteignait même parfois l’autre côté de la place » se rappelle le patron depuis douze ans.
« Ça nous faisait même peur, car on était seuls avec ma femme et la tension était parfois palpable (…) Ce qui n’empêchait pas certains, pour resquiller dans la file d’attente et être sûr de trouver du tabac, d’enfiler une blouse blanche et de se faire passer pour du personnel soignant ! ».
« On a doublé notre chiffre d’affaire sur la période, qu’est-ce que cela aurait été si on avait été correctement approvisionnés ! », poursuit-il, « notre mois de mai confiné est meilleur que décembre, habituellement le meilleur de l’année ! ». Et ce, malgré l’effondrement des activités Française des jeux (-80 %) et presse (-40 %).
Mais … « là, en une semaine, depuis le 15 juin, date de la réouverture de la frontière, on est passé de 12 000 euros de CA certains jours à 4 000 euros, la normale d’avant la crise ». Il a fait ses calculs : « à consommation égale, nos ventes ont doublé. Si la France cessait de jouer cavalier seul et alignait sa politique de prix du tabac sur nos voisins, un magasin comme le mien lui rapporterait en taxes 1 million d’euros par an supplémentaire ! » (La Voix du Nord).
•• Depuis la réouverture de la frontière franco-allemande, les clients de ce buraliste strasbourgeois ont disparu : « nos ventes ont été divisées par trois depuis le 15 juin ».
Pendant trois mois, il s’était pourtant plié en quatre pour les fumeurs de son quartier, « des clients qu’on n’avait plus vus depuis des années et beaucoup de nouveaux ». Il raconte sa mobilisation pour s’adapter à la demande et son sentiment d’injustice aujourd’hui.
Dès qu’ils ont pu, les clients sont retournés en Allemagne comme le confirme l’un d’eux : « j’avais fait des stocks début mars. Mais, au bout d’un moment, j’ai bien dû en acheter ici. Mon budget tabac a explosé. Dès que le mari d’une collègue a pu retourner travailler en Allemagne, je me suis arrangé avec lui ».
Pour le buraliste, ce qui se passe aujourd’hui démontre l’hypocrisie de la politique de santé publique française : « les hausses de taxes sur le tabac depuis dix-sept ans ne font que reporter les achats et les recettes fiscales vers l’étranger. Mais le nombre de morts, environ 75 000 par an, ne baisse pas » (Le Parisien / Aujourd’hui en France ).