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20 Juil 2024 | Trafic
 

Le tabac belge est beaucoup moins attractif financièrement depuis les hausses enregistrées en 2024 (voir 3 janvier). Les consommateurs — et certains trafiquants – se tournent vers le tabac luxembourgeois, 350 kilomètres plus loin. Pour les buralistes calaisiens, cest encore et toujours un enjeu de coopération avec les Douanes et le Gouvernement … Reportage de Nord Littoral

Début juillet, un Calaisien est allé se fournir en tabac au Luxembourg, pour la première fois. Il avait l’habitude d’aller chercher son tabac en Belgique, jusqu’à ce qu’une hausse générale des prix, au premier trimestre 2024, ne l’en détourne.

•• « Depuis Calais, avec un collègue, on a mis environ 4 heures 30 de route jusquau Luxembourg. Ce qui nous a surpris, là-bas, cest quils ne préviennent même pas de la quantité limite quon peut acheter, en tout cas pas clairement. Ça disait juste que la contrebande est interdite. Mon sentiment, cest que cest un peu à la tête du client » témoigne-t-il.

« Nous, en deux minutes, on a pris chacun pour 600 euros de tabac. Les vendeurs nont même pas sourcillé. Bon après, ce sont des vendeurs … Ils se débrouillent en français, dailleurs, et il y a beaucoup de passage. Au point quils étaient en rupture de certaines marques ». Pour le reste, pas de raisons particulières de s’attarder, sourit-il : « en tout cas, on na eu aucun contrôle de police ou de douane, que ce soit française, belge ou luxembourgeoise.»

Par contre, financièrement, il revient conquis : « 4 heures 30 aller, 4 heures 30 retour, en 9 heures tu sacrifies une journée, mais tu gagnes plus quen allant au boulot, cest sûr ! Si tes pas bête, en revendant en France tu peux te faire 300 euros de bénéfices. (…) en le faisant une fois par semaine, même avec de petits volumes, si tas le bonheur de toucher le chômage ou le RSA, tes le roi du pétrole ! »

Dans son cas, assure-t-il, il vise surtout à être tranquille pour six mois de consommation personnelle. Et envisage de le faire deux fois par an. Mais d’autres n’ont pas attendu d’être pris à la gorge par la hausse des prix du tabac belge pour faire ces calculs : « Des gens qui font ce trafic entre Calais et le Luxembourg, cest vieux. Jen connais qui le font depuis 3 ou 4 ans … ».

•• Pour Sylvain Hodicq, président des buralistes du Calaisis, « la Belgique, ce nest plus rentable. Acheter du tabac là-bas pour le revendre ici, cest prendre beaucoup de risques pour pas grand-chose. Sauf à faire dans de grosses quantités et venir avec un poids lourd. » Il n’est pas surpris que les Douanes n’inquiètent pas des consommateurs. Même si elles ont de nouveaux moyens pour agir : « par exemple, sils attrapent quelquun avec cinq cartouches de marques différentes, il y a des chances que ce soit de la contrebande pour de la revente. Un vrai fumeur ne fume que sa marque … 

« Il y a deux mois, avec le président de la fédération départementale François Guilbert, on a été invités à suivre des contrôles douaniers à la frontière belge, du côté de Steenvorde (voir 3 mai).

« Et depuis 2020, il y a le site Stoptrafictabac, où les buralistes peuvent faire des fiches de signalement quand ils ont des soupçons. Bien sûr, cest lent : les douaniers étudient tous ces renseignements, il faut les croiser, les confirmer, ça prend des mois.  La Direction nationale des Douanes nous dit toujours que cest long parce quils veulent remonter les vrais réseaux. Surtout sil y a un lien avec dautres trafics ou du crime organisé … »

•• Surtout, il voit la bascule vers le Luxembourg comme une illustration de leffet domino du libre marché européen : « la hausse des tarifs en Belgique, ça montre que ça bouge-pas assez vite, à notre goût, mais bon. Leffet chez nous, à Calais, nest pas immédiat, cest sûrement différent pour les collègues dunkerquois, les premiers à souffrir de la concurrence belge. Cest l’éternel jeu de dominos : nous, on a un problème avec les Belges, qui ont un problème avec les Luxembourgeois. On a aussi un problème avec les tarifs allemands, qui eux se plaignent des tarifs polonais. On se plaint aussi de la concurrence des tarifs espagnols, qui eux-mêmes souffrent face aux Portugais … »

Pas d’illusions : ni Sylvain Hodicq, ni son collègue du bar-tabac la Havane, Jérémy Tirmarche, ne voient revenir des clients « repentis » du marché belge « On a une baisse des ventes, pas de la consommation de tabac, à Calais. Ce que je constate, cest que ceux qui reviennent fument des cigarettes industrielles plutôt que du tabac à tuber, qui était particulièrement intéressant en Belgique avant la hausse. », souligne le premier.

Jérémy Tirmarche précise quant à lui : « Les clients nous disent bien que la Belgique nest plus aussi intéressante pour le tabac. Mais cest souvent un tout. Ils ny vont pas que pour ça : ils vont dans des parcs dattractions, ils achètent de lalcool et du tabac. Donc, ils continuent à y aller. »