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Fallait-il prohiber la vente de tabac pendant le confinement contre le coronavirus (voir 26 avril et 29 mars) ?

Le débat sanitaire a viré à la controverse politique et à l’imbroglio judiciaire en Afrique du Sud, où le gouvernement est la cible de toutes les critiques, décrypte une dépêche AFP.

•• Le 23 avril dernier, le président Cyril Ramaphosa annonce, dans le cadre d’un assouplissement des mesures de confinement, la levée à partir du 1er mai de l’interdiction de la vente des cigarettes, en vigueur depuis fin mars. Les fumeurs soufflent. Leur soulagement sera de courte durée. Six jours plus tard, la ministre de la Gouvernance, Nkosazana Dlamini-Zuma, membre-clé du cabinet resserré en charge de la crise sanitaire, fait marche arrière.

« La façon dont le tabac est partagé ne permet pas de distanciation sociale » justifie la ministre qui, il y a plus de vingt ans, s’était illustrée dans une croisade anti-tabac au ministère de la Santé. « Quand les gens se roulent une cigarette » ajoute-t-elle « ils mettent de la salive sur le papier puis ils partagent cette cigarette. » Fin de l’explication.

Les fumeurs sont furieux. Depuis fin mars, plus d’un demi-million de personnes ont signé une pétition dénonçant une « farce » et exigeant la reprise du commerce de cigarettes.

•• L’Association indépendante et équitable du Tabac  (Fita), qui représente les fabricants de cigarettes, saisit la justice. « Il n’y a aucun fondement pour soutenir que l’interdiction des cigarettes est liée à la lutte contre le Covid-19 » estime son président, Sinenhlanhla Mnguni (voir 2 mai).

« Les seuls bénéficiaires » de cette mesure sont « les vendeurs illégaux » estime le numéro 1 du marché en Afrique du Sud, une filiale de British American Tobacco, qui décide pourtant de ne pas s’associer à la plainte. Le marché noir se porte effectivement très bien. Un quart des habitants des quartiers défavorisés réussissent à se procurer des cigarettes malgré l’interdiction de vente, selon une enquête du Conseil de recherche en sciences humaines (HSRC) commandée par le gouvernement.

•• Sur le plan médical, le début sur le maintien de l’interdiction … divise aussi.

L’épidémiologiste Salim Abdool Karim, à la tête du comité d’experts qui conseille le gouvernement, refuse de se prononcer en arguant qu’il n’a pas rendu d’avis à ce sujet. Mais pour le professeur Mosa Moshabela, à la tête de l’école de santé publique de l’université du KwaZulu-Natal (Nord du pays ) la décision est parfaitement justifiée.

Face au Covid-19, « les fumeurs font partie des groupes à haut risque, comme les personnes   âgées » souligne-t-il à l’AFP. Il « critique » toutefois le manque de communication du gouvernement qui, selon lui, n’a pas pris le temps d’expliquer « une décision si importante pour tant de personnes ».

•• Le cafouillage au sommet de l’État alimente les spéculations sur des divisions, récurrentes, au sein du gouvernement. Le ministre des Finances, Tito Mboweni, a avoué qu’il n’était « pas favorable au maintien de l’interdiction ». « Mais j’ai perdu l’arbitrage et donc j’ai dû m’aligner » a-t-il expliqué.

Sur le plan financier, l’interdiction coûte cher au gouvernement: 300 millions de rands (15 millions d’euros) de taxes au budget de l’État, selon le patron du fisc, Edward Kieswetter.

•• Il n’en reste pas moins que le président Cyril Ramaphosa a mis cinq jours pour réagir à l’annonce de sa ministre et expliquer, à qui veut bien le croire, que le revirement était le résultat d’une décision « collective ». « Il est faux de suggérer qu’il y a des ministres ou un président qui font et disent ce que bon leur semble sur le sujet », a-t-il assuré, précisant que l’interdiction avait été prolongée pour « la santé de la population, un point c’est tout ».