« Pour ou contre ? ». Dans son édition du 7 octobre, Libération relance le débat sur l’e-cigarette où « comme rarement, les positions partent dans tous les sens ». Y compris parmi les anti-tabac, seuls sollicités par le quotidien. D’un côté, Bertrand Dautzenberg (Président de l’Office français de Prévention du Tabagisme) qui se positionne, pour l’occasion, en farouche partisan. En face, deux sceptiques, Karine Gallopel-Morvan (professeur en marketing social) et Christian Ben Lakhdar (économiste et membre du Haut Conseil de santé publique). Entre approche réaliste et considérations plus dogmatiques.
• « L’e-cigarette est une avancée majeure en santé publique si on la manipule du bon côté. Car elle est un produit qui peut être très près du tabac, mais aussi très près pour quitter le tabac » soutient Bertrand Dautzenberg.
« Pour cela, il faut que les règles et les normes qui régissent son usage et sa fabrication soient le fait des autorités, et non des cigarettiers. Il faut notamment des produits de qualité, et une interdiction de la publicité (…) et ne pas autoriser de vapoter partout, dans les cours de lycée, les couloirs des hôpitaux. Il faut l’interdire dans les lieux de forte proximité entre les gens ».
« Reste que je suis un farouche partisan du vapotage (…) Un nombre important de fumeurs qui essayent la cigarette électronique y trouvent une satisfaction qui leur permet d’arrêter la cigarette, alors qu’ils n’en avaient pas l’intention. Ils y trouvent un nouveau plaisir. On ne dit pas aux gens: sevrez-vous! ; on leur dit : changer de plaisir ! Et cela marche ».
• « Ce qui me frappe, c’est combien le marketing autour de l’e-cigarette paraît de plus en plus comme un copier-coller du marketing des industriels du tabac » analyse Karine Gallopel-Morvan.
« Ce sont les mêmes images, les mêmes symboles qui sont véhiculés. Il y a le côté liberté, le côté glamour, on voit des femmes toujours très belles, des jeunes toniques… Et le risque est là, que l’on récupère toute l’imagerie des symboles de l’industrie du tabac et que l’on renormalise l’image et l’usage du tabac par le biais des e-cigarettes ».
« Toujours ce même parallélisme, ce qui est troublant » poursuit l’universitaire en faisant allusion au travail sur les arômes « aux noms enchanteurs, qui ciblent ouvertement les jeunes ». Sans oublier d’insister sur la profusion des annonces publicitaires : « on a récupéré une publicité pour une e-cigarette, avec en arrière fond, le cow-boy de Marlboro », avant de citer l’e-cigarette Fiesta « une marque d’e-cigarette, et derrière, il y a un industriel du tabac ».
« Reste que l’on manque encore de données … » doit-elle enfin concéder.
• « L’e-cigarette est-elle un médicament, un supplément nicotinique, une nouvelle cigarette ? On ne connaît pas son statut » s’interroge Christian Ben Lakhdar.
« Le Haut Conseil de santé publique a voulu pointer les incertitudes et les risques potentiels qui l’entourent. Le premier, c’est le risque d’initiation à la nicotine. Le second, une renormalisation de la consommation du tabac. Et, pour le moins, on ne peut pas dire aujourd’hui que l’e-cigarette va signer la victoire de la santé publique.
« Nous manquons de repères fiables, mais la question mérite d’être posée. Nous disons : ne soyons pas naïfs, surveillons, regardons, réglementons. On ne dit pas « l’e-cigarette est une victoire contre le tabac », mais on ne nie pas non plus que cela peut être un chemin vers le sevrage : nous nous interrogeons. Et restons vigilants ».
Avant de citer Ploom de JTI : « vous le voyez, les industriels du tabac sont toujours prêts à investir. Et cherchent à créer de nouveaux modes de consommation du tabac ».
Si l’on comprend bien, ce ne sont pas les cigarettes électroniques, ou autres produits de nouvelle génération, qui sont fondamentalement dangereux. Mais le fait que l’industrie du tabac y investisse.