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1 Fév 2020 | International, Profession
 

Avec une cinquantaine de fabriques, de la plus petite à la plus grande, le Nicaragua est désormais un gros pays exportateur de cigares, passant devant la République dominicaine, avec plus de 255 millions de dollars d’exportations (voir 26 juin 2019).

Cette réussite, construite en seulement un demi-siècle, est largement due à l’obstination et au travail acharné de quelques pères-fondateurs dont les fils et les filles arrivent aujourd’hui aux commandes, rapporte un reportage AFP.

•• « C’est une entreprise familiale … Je suis le gérant en titre, mais nous sommes nombreux, des frères, des cousins, à en assumer la responsabilité à divers niveaux » explique Jorge Padron (photo) durant le festival du cigare nicaraguayen, du 21 au 25 janvier.

Jorge a pris la suite de son père Orlando, fondateur de la marque « Padron ». « Nous travaillons dans cette entreprise depuis que nous sommes enfants… Cela a facilité beaucoup les choses pour assurer la continuité après le décès de mon père en décembre 2017 » ajoute-t-il.

•• À la fabrique de My Father Cigars (« Les cigares de mon père »), le refrain est le même : « Nous sommes une famille : nous n’avons pas de titres dans la société » tranche sèchement Janny Garcia, tandis que le patriarche, « don Pepin », fait visiter son immense fabrique aux allures de fortin pavoisé, plantée au bord de la route panaméricaine qui traverse la ville et la région d’Esteli.

« Don Pepin », rouleur de cigares et maître cigarier de Villa Clara (centre de Cuba), a quitté l’île en 2001 pour fonder son propre empire, à Miami et à Esteli. Aujourd’hui âgé de 70 ans, le patriarche a associé aux affaires son fils Jaime, sa fille Janny et son gendre Pete Johnson qui forment un clan soudé qui cultive le goût du secret.

•• À l’instar de « don Pepin » et Orlando Padron, nombre des fondateurs des dynasties cigarières d’Esteli sont venus de Cuba, emportant seulement leur savoir-faire, et parfois un peu de semences de tabac de la mère-patrie.

« Nous avons tous commencé comme ça : avec une ou deux tables pour fabriquer des cigares, parfois dans une chambre d’hôtel » confie Christophe Leroy, fondateur avec Fabien Gil de la marque Horacio, dont la fabrique est la seule à porter les couleurs françaises au Nicaragua.

•• Deux autres exilés cubains, Simon Camacho et Juan Francisco Bermejo, sont les fondateurs, en 1968, de la doyenne des fabriques d’Esteli, « Joya de Nicaragua ».

Fuyant le communisme, ils furent spoliés une dizaine d’années plus tard seulement par Anastasio Somoza. Le dictateur de droite avait découvert leurs cigares en 1971 … à la Maison Blanche, offerts par Richard Nixon qui avait déniché ces merveilles, faute de havanes frappés d’embargo.

Nationalisée par les Sandinistes, la fabrique historique de « Joya de Nicaragua » est aujourd’hui dirigée par Juan Martinez, le fils du repreneur de l’entreprise, Orlando Martinez.

•• À Esteli, ces sagas familiales sont soigneusement mises en scène et font partie de l’arsenal marketing : rares sont les fabriques qui ne mettent pas en valeur un père ou un grand-père fondateur, parfois plus fantasmé que bien réel.

Les valeurs de solidarité familiale sont même étendues au personnel dont il faut s’attacher la fidélité. « Nous prenons soin de nos gens » ont coutume de se vanter les patrons des fabriques. Payés en moyenne entre 315 et 350 dollars par mois, les milliers d’employés des fabriquent bénéficient souvent de transports gratuits, de garderies et d’écoles pour leurs enfants, de cantines, voire de cliniques.

Une ruée vers « l’or brun » du tabac qui a fait passer la population d’Esteli de 135 000 habitants en 2002 à plus de 230 000 aujourd’hui, lui donnant des airs de petite ville champignon grouillante d’activité.