La mythique civette du 14ème arrondissement (place de Catalogne), « Art Tabac » a changé de main fin 2023. Retour, dans actuParis, sur une promesse couchée sur la nappe d’un restaurant devenue en trois décennies une place forte du cigare à Paris (extraits).
En 32 ans d’existence, la famille Pelletier a créé un empire. Sa civette, l’angle de la place de Catalogne et de la rue du Château dans le 14e arrondissement de Paris, est numéro trois en France dans la revente de cigares, et régulièrement au coude-à-coude dans les classements avec la mythique civette du Palais Royal (1er).
•• La poignée de concurrents qui rivalise encore avec les Pelletier sait d’ailleurs qu’il vaut mieux être en bons termes avec cette lignée du sud de la capitale. Au 1er janvier 2024, leur figure de proue, Cyril Pelletier, alias « le Pitbull «, va prendre un peu de recul. Mais les fondations sont solides et la mainmise du clan ne devrait pas perdre en force dans les années à venir.
Quand elle a appris que » le Pitbull » prenait sa retraite, et que la fille de ce dernier ne souhaitait pas reprendre l’affaire, une ancienne buraliste a joué les intermédiaires. Deux acheteurs potentiels se sont alors dégagés et c’est finalement Hervé Des Brosses, 48 ans, qui a récupéré l’affaire.
•• L’ancien directeur administratif et financier d’un groupe de médecine esthétique et de chirurgie, reconverti en propriétaire d’un bureau de tabac situé place Gambetta (20ème) entre 2017 et 2023, conclut l’achat le 29 novembre 2023, après cinq mois passés à observer Cyril et sa fille Sacha derrière le comptoir (… ) Sacha conserve la gestion des cigares.
L’enseigne demeure ainsi Art Tabac et l’écriteau Casa Pelletier (fumoir lancé en 2017) surplombe toujours le point de vente. « J’ai souhaité que rien ne change » pose d’emblée le repreneur d’Art Tabac. « J’ai dit à Cyril : Je veux faire exactement la même chose que toi. Il a d’ailleurs un droit de regard, c’est une main sur mon épaule. Je le vois tous les jours. Aujourd’hui, je me considère plus comme un gérant. Je veux me laisser le temps de m’approprier le lieu et d’en devenir, in fine, le propriétaire. »
« Il y a une seule chose que je voulais faire différemment : c’est séparer l’espace de vente de cigares et celui des cigarettes, pour que chacun aille à sa vitesse. Alors, j’ai dit à Cyril : J’ai une idée saugrenue. Ce à quoi il a répondu : J’adore les idées saugrenues ! On a donc lancé des travaux », sourit le nouveau visage d’Art Tabac.
•• Depuis qu’il a « chouré » un Montecristo No. 4 dans la cave de son grand-père, en 1974, Cyril Pelletier est piqué par le virus du cigare.
Sa vie, il l’a mené comme le ferait un personnage d’Audiard. Elle oscille entre chaos et coups de maître. Turbulent, le molosse, né à Neuilly-sur-Seine et qui a grandi à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), arrête l’école en 6ème et découvre l’âpreté du monde professionnel à 13 ans. Plus tard, le Pitbull gravite dans divers milieux. En parallèle, Cyril Pelletier deviendra sous-officier du huitième régiment de hussards parachutistes, puis, des années après, patron de sa société de transports.
Dès la création d’Art Tabac, le Pitbull voulait donner un maximum d’espace au cigare. Les choses ont été progressives, mais le pari est aujourd’hui gagnant. Tout s’est décidé il y a trois décennies sur la nappe du restaurant russe de la rue du Château. Cyril, l’un des premiers locataires de la place de l’Amphithéâtre, nouvellement bâtie par l’architecte espagnol Ricardo Bofill, et dont l’arche débouche sur la place de Catalogne, jure, un soir, à des amis, qu’il va ouvrir son bureau de tabac au bout de la rue (…)
« Ce qui a fait leur succès, c’est qu’ils ont été les premiers à proposer des cigares non cubains, à une période où l’on ne vendait que des cubains. C’était osé, mais ça a été payant », analyse avec le recul Charly Spriet, l’un des principaux concurrents de la civette du sud parisien. Et de poursuivre, cigare coincé entre l’index et le majeur : « l’autre chose, c’est que Cyril a toujours conseillé ses clients, en prenant le temps, et avec passion, alors que la plupart des civettes ne faisaient que vendre ce qu’elles avaient en stock. »