Depuis la crise du Covid, un grand nombre de professionnels, notamment des boulangers ou des restaurateurs, ont progressivement abandonné le seuil de paiement par carte bancaire. Aujourd’hui beaucoup de buralistes imposent un seuil de 15 ou 20 euros mais parfois jusqu’à 30 euros. Pourquoi, alors, font-ils de la résistance ? Enquête du Parisien / Aujourd’hui en France.
Un, la pratique est tout à fait légale. Chaque commerçant est en effet autorisé à fixer un seuil minimal d’acceptation de la carte bancaire sous réserve que cela soit clairement indiqué, le plus souvent par une affichette au niveau de la caisse.
Deux, les frais inhérents à un paiement par carte bancaire sont facturés au commerçant. À la commission d’interchange (plafonnée à 0,2 % pour les cartes de débit et 0,3 % pour les cartes de crédit si l’acheteur n’est pas dans la même banque), s’ajoutent les frais de réseaux (facturés par CB, Visa ou encore Mastercard, inférieurs à 0,2 %) et les frais facturés par la banque, souvent la part la plus importante, en fonction du commerçant.
•• « C’est un coût résiduel qui pèse lourd dans nos bilans d’exploitation » décrypte Philippe Coy, qui au plus fort de l’épidémie de Covid avait demandé au gouvernement la suspension des frais sur les paiements par carte devant leur recrudescence. « Car il faut distinguer les commerçants qui vendent des produits à marge et les buralistes qui vendent des produits à commission ».
« Un boulanger, s’il veut augmenter le prix de son croissant pour compenser les frais sur les cartes bancaires, il le fait. Nous, on travaille pour l’État ! » renchérit un buraliste du quartier Montparnasse (14ème). Ainsi, sur le tabac, les débitants touchent une commission nette de 8,15 %. Et c’est encore moins sur les jeux à gratter ou deux fois moins sur les timbres.
« Avec toutes les augmentations de charges, de loyers … si on doit accepter tous les paiements par carte sans minimum, on va bientôt faire du bénévolat » fait remarquer un autre installé à Gaîté (14ème).
•• À titre personnel, Philippe Coy, qui tient un bureau de tabac à Lescar (Pyrénées-Atlantiques) en banlieue de Pau, explique avoir supprimé cet « irritant » depuis quelques années après les remarques de certains de ses clients. Mais il comprend la nécessité pour ses collègues des grandes métropoles, où les coûts d’exploitation sont tout autres, de conserver ce seuil de paiement pour limiter les frais.
« Je paie tout de même 500 à 600 euros par mois de commission à ma banque auxquels s’ajoutent 40 euros de location du terminal de paiement » détaille d’ailleurs un buraliste parisien qui a pourtant mis la barre haute, à 30 euros, pour pouvoir payer en carte dans son commerce.
•• Pointées du doigt, les banques expliquent avoir fait leur travail pour favoriser l’acceptation des paiements de petits montants (moins de 1 euro) avant même la crise du Covid. « Elles ont notamment supprimé la part fixe des commissions qui était le principal frein à cette acceptation de petit montant » explique-t-on à la Fédération bancaire française. « Selon le Comité national des paiements scripturaux, sous l’égide de la Banque de France, l’acceptation du paiement des petits montants n’était plus un sujet bancaire. »
Mais y a-t-il une autre raison derrière cette pratique ? Peut-être celle de pousser à la consommation, par exemple, tant le sujet est évacué par certains débitants de tabac lorsqu’on l’évoque. Car avec un paquet de cigarettes vendu aujourd’hui un peu plus de 11 euros, il faut, pour passer le seuil des 15 ou 20 euros de paiement par carte, en acheter un deuxième. Ou a minima remplir des grilles de Loto ou gratter quelques tickets de la FDJ …conclut Le Parisien / Aujourd’hui en France.