Voilà six ans que deux managers dans deux entreprises rivales de pizzas à emporter, mais amis depuis le lycée … ont choisi d’unir leurs forces et leurs finances, pour acquérir un tabac-presse à Besançon. « On ne le regrette pas » assurent-ils d’une seule voix à L’Est Républicain, conquis par cette « super aventure humaine ».
Au-delà des clichés (« les gens pensent que buralistes, c’est juste tendre un paquet de cigarettes »), les deux partenaires décrivent un quotidien intense, enrichissant, mais parfois usant.
•• « On ne soupçonne pas le boulot administratif qu’il y a derrière. Ça demande de la rigueur, de l’organisation. Au début, on avait une employée, aujourd’hui on tourne à cinq ou six. Avant d’être des buralistes, on est des chefs d’entreprise et c’est valorisant. »
Cette année, la vente de tabac représente 48 % du chiffre d’affaires, contre 21 % pour les jeux de hasard, lotos ou grattage. La presse arrive loin derrière. Les colis ? « Ça paie l’équivalent d’un loyer » … Comme tous les buralistes, le duo se bat pour diversifier son activité : « il y a un maître-mot, c’est s’adapter. Il faut garder un coup d’avance ».
•• « Cette diversification est impérative pour nous ( …) Les clients doivent se rendre compte qu’ici, on ne vend pas que du tabac », ajoute l’un d’eux.
La défiance croissante de la société vis-à-vis des fumeurs pèse lourd. Et l’accroissement de la vente illicite de tabac dopé par internet, n’améliore pas les perspectives. « Pourquoi ne pas un jour nous autoriser à livrer du tabac ? On regagnerait les parts de marché qu’on nous vole » se mettent-ils à rêver.
Autre facteur à gérer, la baisse générale du pouvoir d’achat : « depuis notre comptoir, on sent le pouls de la société. Ça tire la langue. On le voit, on a moins d’achats additionnels, moins de gens qui prennent une confiserie, une boisson, un magazine ».
Paradoxalement, les jeux d’argent continuent, eux, de cartonner : « tant que la crise est là, les clients tentent leur chance. C’est une forme d’ascenseur social. La valeur travail ne vaut rien, tu travailles juste pour payer tes factures, alors que la Française des jeux vend du rêve », prolonge Simon.
•• Face aux difficultés, leur établissement a une stratégie. Celle du sourire. « Il faut avoir la fibre. Si un jour je n’ai plus envie, j’arrêterai. Je ne veux pas devenir un buraliste aigri, qui souffre quand il entre dans sa boutique » promet l’un, fier du rôle social joué par son tabac.
« On vend les mêmes produits aux mêmes prix qu’ailleurs, alors on essaie de faire la différence par l’accueil… Le sourire, c’est communicatif. Il faut rester joyeux ! » conclut l’autre.