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11 Juin 2022 | Profession
 

Le magazine Marianne titre , cette semaine, son dossier central : « vers une organisation ethnique du travail ? ». Buralistes chinois d’origine, agents de sécurité tchétchènes et même crêpiers tamouls … connaîtra-t-on désormais une répartition communautaire des activités ? Extraits sur le focus buralistes paru dans l’hebdomadaire. 

Depuis le début des années 2000 et l’implantation d’une importante communauté asiatique, on entend de plus en plus parler le mandarin derrière le comptoir des traditionnels zincs parisiens.

•• Dans un coin du 13ème arrondissement de la capitale, un bistrotier de 33 ans, issu de l’immigration chinoise, a fait l’acquisition de son bar-tabac il y a « une douzaine d’années déjà ». « Au départ, avec mon BEP cuisine, je voulais seulement lancer mon propre restaurant, puis j’ai décidé de garder la partie tabac » témoigne l’intéressé, « il y a moins de concurrence et ça fait rentrer un flux d’argent de manière continue. »

En parallèle de ses études, le jeune homme bossait également dans un tabac du 93, tenu par des proches de sa famille. « La plupart de mes amis sont également dans le secteur. Mon cousin y est depuis quinze ans par exemple, j’étais habitué » …

•• Loin d’être un cas isolé, cette entreprise symbolise l’essor des communautés asiatiques dans le secteur des bars-tabacs franciliens depuis les années 2000. Selon la Confédération des buralistes, environ 40 % des tabacs d’Île-de-France seraient actuellement tenus par des personnes d’origine asiatique.

Les causes de cette mainmise dans le secteur sont en tout cas multiples. Ainsi, c’est en s’associant avec tous les membres de sa famille que le buraliste du 13ème affirme avoir pu obtenir un crédit « beaucoup plus facilement ». Se lancer seul relève effectivement de la gageure, puisque le prix d’achat de ce genre de fonds de commerce varie de 250 000 à 1 million d’euros.

La méthode d’implantation chinoise ressemble à celle employée par les bougnats en leur temps, qui possédaient dans les années 1980 entre 80 et 90 % de ce type de commerce. Si la « filière » auvergnate ne possède plus que 10 % des bars-tabacs franciliens environ, elle a su garder le contrôle des grandes brasseries de la capitale. Comme les Chinois aujourd’hui, les Auvergnats pratiquaient déjà l’entraide au sein de leur communauté, ayant recours à la tontine (…).

•• Selon Claude Hinh, agent spécialisé dans la cession de fonds de commerce, ces contraintes expliquent en partie la vague de rachats par des entrepreneurs d’origine asiatique : « beaucoup de jeunes Français de souche ont peur des horaires de travail nécessaires à la gestion d’un tabac », affirmait-il dès 2008 à La Croix.

À la suite de différents scandales sanitaires impliquant le secteur de la restauration asiatique, la chute de l’activité du secteur avait à l’époque poussé certains membres de cette communauté à réorienter leur activité.

Comme dans d’autres secteurs d’activité, les bars-tabacs ne sont pas épargnés par le vieillissement et le départ à la retraite des commerçants installés de longue date. Un phénomène de mimétisme commercial a alors eu lieu, et les Chinois ont su s’insérer dans le filon.

Si, entre 2005 et 2015, la moitié des tabacs à vendre en Île-de-France ont été repris par des commerçants asiatiques, les achats ont marqué le pas ces derniers temps. On assiste depuis à une sorte de « décentralisation » de la communauté chinoise en France. À Reims, par exemple, où le journal L’Union rapporte que, en trois ans, cinq des plus gros bars-tabacs de la ville ont été repris par des jeunes de moins de 30 ans d’origine chinoise.