L’Allemagne a fait un pas supplémentaire vers la légalisation du cannabis à des fins récréatives avec l’adoption, ce mercredi 16 août en conseil des ministres, d’un projet de loi controversé encadrant achat et culture de cette plante psychoactive.
Nous reprenons la dépêche consacrée par l’AFP sur ce sujet que nous avons déjà évoqué pour nos lecteurs (voir 15 et 9 avril).
•• Le texte, qui doit encore être voté par le parlement dans les prochains mois, est présenté par le ministre de la Santé, Karl Lauterbach, comme la « meilleure tentative de légalisation du cannabis » parmi les dispositifs déjà en vigueur dans d’autres pays.
Il s’attaque à « trois problèmes jusqu’ici non résolus : la consommation croissante de cannabis, notamment chez les jeunes, la hausse de la criminalité liée à la drogue et un marché noir important », a-t-il affirmé, lors d’une conférence de presse à Berlin.
Selon les nouvelles règles, il sera possible à partir de 18 ans d’acheter et de posséder jusqu’à 25 grammes de cannabis et de cultiver jusqu’à trois plants de cannabis pour son propre usage.
L’Allemagne se dotera ainsi d’une des législations les plus libérales d’Europe, emboitant le pas à Malte et au Luxembourg, qui ont légalisé le cannabis récréatif respectivement en 2021 et en 2023. Aux Pays-Bas, l’un des pays pionniers de la libéralisation à travers ses célèbres coffee shops, la possession pour usage personnel n’est pas poursuivie jusqu’à 30 grammes.
La coalition du social-démocrate d’Olaf Scholz avec les Verts et les Libéraux a fait de cette légalisation contrôlée un des projets phare de son mandat, mais a dû édulcorer sa copie face aux réserves de l’Union européenne.
•• La nouvelle loi prévoit la création d’associations à but non lucratif dont les membres adultes – leur nombre est limité à 500 – pourront cultiver la plante pour leur seule consommation, sous la surveillance des pouvoirs publics.
Ces « Cannabis Social Club » – comme ils se sont baptisés eux-mêmes – auront une activité réglementée: ils ne pourront approvisionner que leurs membres et à raison de 25 grammes par jour avec un maximum de 50 grammes par mois. Pour les jeunes âgés de 18 à 21 ans, ce sera un peu moins : 30 grammes par mois. Ces clubs feront l’objet de contrôles par les pouvoirs publics.
Ces associations, estime M. Lauterbach, devraient demander une cotisation très faible à leurs membres qui se fourniraient en cannabis au prix de revient. Selon le site de la Fédération des « Cannabis Social Clubs », au moins 111 associations ont déjà été créées. Néanmoins, pour leur président, Steffen Geyer, la nouvelle législation est « trop compliquée ».
•• « Nous voulons que les consommateurs de cannabis soient mis sur un plan d’égalité avec les consommateurs d’alcool et de tabac », avait-il dit à l’AFP lors d’une manifestation samedi à Berlin.
La consommation de cannabis devra se faire à l’extérieur de ces clubs et sera interdite à moins de 200 mètres de ces clubs, des écoles, aires de jeux, terrains de sport et associations pour les jeunes.
Karl Lauterbach, médecin et père d’une adolescente, prévoit par ailleurs le lancement d’une grande campagne de sensibilisation à l’attention des jeunes sur les dangers du cannabis. « C’est un sujet jusqu’ici tabou », a-t-il dit. Or, pour « le cerveau des jeunes, qui continue de se transformer jusqu’à l’âge de 25 ans, la consommation régulière de cannabis peut entraîner des problèmes de concentration irréversibles et des psychoses », a-t-il mis en garde.
•• Son projet de loi n’a pas convaincu l’association des pédiatres en Allemagne, qui l’a condamné « fermement », estimant au contraire qu’il encouragerait la consommation de cannabis des jeunes.
Le ministre régional de la Santé de Bavière, Klaus Holetschek, du parti d’opposition conservateur CDU, a qualifié ces plans d’« irresponsables ». Des exemples venus de l’étranger ont montré que la libéralisation n’a pas fait grand-chose pour freiner le marché noir, a-t-il affirmé. Les syndicats de police et des juges jugent le dispositif « trop bureaucratique ».
Un deuxième volet de cette législation doit être présenté « dans la seconde moitié de l’année », selon M. Lauterbach.
Il s’agirait de tester dans certaines régions pilotes en Allemagne la production et le commerce de cannabis dans des magasins spécialisés, dans le cadre de licences accordées par les pouvoirs publics.