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6 Avr 2022 | Pression normative
 

Un collectif de spécialistes de santé publique interpelle, dans une tribune du Monde, les candidats à l’élection présidentielle et prônent des dispositions législatives et réglementaires, notamment en matière de tabac. Extraits. 

Depuis 1988, nous questionnons les candidats à la présidence de la République sur leur engagement à mettre en œuvre des mesures de santé publique simples et efficaces.

Nous avons parfois été entendus, contribuant notamment à la suppression de la promotion du tabac, au droit à respirer sans fumée dans les lieux publics et au travail, au contrôle de la publicité pour l’alcool et à la réduction de la mortalité sur les routes. Nous n’avons pas toujours été écoutés alors que certaines mesures, dont l’efficacité est démontrée, auraient pu améliorer la santé des Français. C’est pourquoi nous interpellons à nouveau les candidats à l’élection présidentielle. 

•• Il convient de saluer certains engagements pris par le candidat Emmanuel Macron en 2017 et qui ont été tenus. Le prix du paquet de cigarettes est à 10 euros comme promis.

Le système d’information nutritionnelle sur la face avant des produits alimentaires (le Nutri-score) a été soutenu et l’activité physique promue pour les plus fragiles avec 285 maisons « sport-santé ». En ce qui concerne la sécurité routière, les résultats sont discutables (…) 

Quant à l’attitude du président de la République concernant l’alcool, elle a été constamment favorable aux intérêts mercantiles du secteur industriel des alcooliers. Pourtant l’alcool est la première cause d’hospitalisation et la seconde cause évitable de décès en France. Malgré toutes les promesses, même le message de prévention destiné aux femmes enceintes n’a pas évolué, restant invisible et illisible.

•• Quelles solutions aujourd’hui ? Le champ de la santé étant très vaste, nous avons priorisé sept thèmes cruciaux : le système de santé, l’alcool, le tabac, le cannabis, la nutrition, la vaccination et la sécurité routière (…) 

• En matière d’alcool, tout reste à construire ou à reconstruire tant la loi Évin a été affaiblie au cours des années. La France demeure un des plus gros consommateurs d’alcool d’Europe. Les conséquences sanitaires et sociales de la consommation d’alcool sont très documentées. Les recommandations de l’Organisation mondiale de la Santé et les expertises des agences sanitaires proposent une série de mesures, validées et efficaces, qui permettraient d’en réduire les risques : instauration d’un prix minimum, indication de la quantité d’alcool pur et du nombre de calories sur les contenants avec l’avertissement « l’alcool est dangereux pour la santé », réglementation de la publicité et soutien des campagnes de prévention, notamment.

 La baisse de consommation de tabac observée depuis 2014 s’est interrompue durant l’épidémie de Covid-19. Il convient de poursuivre les efforts afin que la génération à naître soit une génération sans tabac : respect des interdictions, augmentation des taxes pour porter le prix du paquet de cigarette à 20 euros, élimination de la fumée visible de la vie publique (…) 

 Les 900 000 consommateurs quotidiens de cannabis démontrent l’échec d’une politique publique orientée essentiellement sur le volet sécuritaire. Certains États en ont tiré la leçon pour légaliser le cannabis ou pour mettre en œuvre une politique moins répressive envers les consommateurs. Nous demandons un débat citoyen sur le cannabis et que soient analysés les arguments favorables ou défavorables à sa légalisation (…) 

Les signataires : Bernard Basset (médecin spécialiste en santé publique), Amine Benyamina (professeur de psychiatrie-addictologie, université Paris-Saclay), François Bourdillon (médecin spécialiste de santé publique, ancien directeur de Santé publique France), Gérard Dubois (professeur honoraire de santé publique, université Jules-Verne, Amiens, Académie de médecine), Irène Frachon (pneumologue, CHU de Brest), Claude Got (professeur honoraire de médecine, université René-Descartes, Paris), Serge Hercberg (professeur émérite de nutrition, université Sorbonne-Paris-Nord), Catherine Hill (épidémiologiste, Institut Gustave-Roussy), Albert Hirsch (professeur émérite de pneumologie, université Paris-VII, Paris), Mickael Naassila (professeur de physiologie, université Jules-Verne, Amiens) et Chantal Perrichon (présidente de la Ligue contre la violence routière).