Une fenêtre sur l’actualité quotidienne de tous les événements liés directement ou indirectement au tabac
 

Paquet neutre linéaire« Dans le domaine, ô combien iconique de la cigarette, le 20 mai marquera, en France, le début d’une petite révolution » …
Ce n’est pas un  « teasing »  mais l’introduction d’un article du Monde.fr, mis en ligne ce jeudi 12 mai (et dans l’édition papier datée du samedi 14), pesant le pour et le contre du paquet neutre à quelques jours de l’entrée  en vigueur du texte législatif. À l’interrogation du titre « Contre la cigarette, le paquet neutre est-il de bonne guerre ? », le quotidien tente de répondre à son habitude battant le froid et le chaud : contre le gouvernement et l’industrie du tabac tout en mêlant « liberté et responsabilité individuelles, où fumer relève du choix personnel ».

•• Le paquet neutre parviendra-t-il à inverser la tendance de la prévalence tabagique en France ?

« Dans la guerre des images qui oppose le lobby du tabac et les autorités sanitaires, il marque en tout cas un véritable renversement des valeurs : pour la première fois, l’illustration du risque l’emporte sur l’évocation du plaisir ». Pour étayer sa thèse, Le Monde met en vis-à-vis le recours de Seita contre le décret français (voir Lmdt du 10 mai), les déclarations d’Yves Martinet, président du Comité national contre le Tabagisme : « adopter le paquet neutre, c’est empêcher de vendre un produit mortel dans un emballage glamour ». Sans manquer de rappeler les objectifs de Marisol Touraine de réduire la prévalence tabagique de 10 % d’ici à cinq ans et en dessous de la barre des 20 %, le pourcentage de fumeurs quotidiens d’ici dix ans » ».

•• Cela posé, qu’en disent certaines études ? 

La première citée (de la Ligue nationale contre le Cancer et de l’Institut Mediamento, spécialiste de la mémorisation publicitaire), prouverait que « ces images-choc, même si on les a vues un grand nombre de fois, continuent d’avoir un effet au niveau cérébral ». Bémol du Monde : « Mais, cette réaction émotionnelle ne laisse rien préjuger de ses conséquences sur le comportement des fumeurs. Celui des jeunes notamment, prompts à détourner codes et interdits » (sic).

La seconde, du laboratoire Céditec (Université Paris-Est-Créteil) : « Le paquet de cigarettes est un objet intime, que l’on range dans son sac, à côté de son téléphone ou de ses clés. C’est un objet que l’on s’approprie fortement. Comment ce paquet neutre, destiné à renvoyer une mauvaise image de soi-même, jouant sur les ressorts de l’humiliation, de la culpabilisation et de l’anxiété au point de rendre cette pratique quasiment déviante, va-t-il entrer en résistance avec ces formes d’appropriation ? ». La chercheuse, Julia Bonaccorsi, professeure en sciences de l’information et de la communication à l’Université Lumière Lyon-II, se demande, désormais, si les pouvoirs publics « auraient pu adopter une autre stratégique que ce parti pris moraliste et anxiogène. Privilégier une rhétorique attirante, en prenant le pari d’un changement librement consenti ».

•• Entre le philosophe allemand Heidegger et l’historien-polémiste Robert Proctor. 

« Est-il-légitime d’agresser les fumeurs de la sorte, fut-ce pour leur bien ? ». Non, si l’on s’en réfère à Martin Heidegger, « pour lequel l’expérience de l’angoisse face à la mort constitue le fondement de la liberté ». Non, pour le collectif de professionnels de la santé et du social de la prévention contre les spots d’une campagne anti-tabac 2014 (voir Lmdt du 11 octobre 2014), dénonçant un type de communication fondée sur la morale et la culpabilisation et constituant une entrave à leur travail auprès des jeunes et des fumeurs.

Mais le plus important semble être que « de manière très démonstrative, ce Plan national de réduction du tabagisme donne à voir, dans son rôle de protection de la population, qu’il aurait pouvoir sur les cigarettiers eux-mêmes ». Et là, revient la charge du livre-reportage de Robert Proctor « Golden Holocaust » (voir LMdt des 15 mars 2014 / 2 juin et 27 mai 2012).

•• Et le fumeur dans tout cela ? Karine Gallopel-Morvan, professeure en marketing social à l’Ecole des Hautes Études en Santé publique (EHESP / voir Lmdt des 16 mai 2015 et 18 juin 2014 ) assure que « dès lors, qu’est-ce qui est le plus choquant ? Montrer des images dérangeantes ou cacher la réalité du danger du tabac dans un packaging trop soft ». Tout en regrettant que pour la situation des populations précaires, « le paquet neutre à lui seul ne puisse être une solution. Les agences sanitaires régionales de santé devraient obligatoirement leur proposer des aides à l’arrêt du tabac et en faire une priorité de santé publique ».