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2 Avr 2021 | International, Trafic
 

« Pas cher ! Ibiza ! Pas cher ! », crie un jeune vendeur de cigarettes de contrebande dans le quartier pauvre de Catia à Caracas, capitale d’un Vénézuela étouffé par la crise, la corruption, les sanctions et en proie à une hyperinflation qui favorise tous les trafics.

C’est ce que relate l’AFP, dans une dépêche signée Javier Tovar.

•• La contrebande s’est généralisée avec la crise économique et à côté des cigarettes on trouve de tout : des vêtements aux portefeuilles, des sacs de contrefaçon aux chaussures, en passant même par des lunettes ou des … appareils dentaires.

Un paquet d’Ibiza ou de Marine vaut moins d’un dollar alors que les cigarettes officielles, de fabrication locale, comme Belmont ou Lucky Strike, coûtent entre 1,7 et 2 dollars. « J’achète (des cigarettes de contrebande) parce que c’est moins cher », reconnaît Ester Ortiz, 64 ans. « J’ai arrêté d’acheter les autres marques parce qu’avec le prix, j’avais peur que l’addiction me prive d’argent pour acheter de la farine », dit-il.

Avec la récession, le salaire minimum ne dépasse pas un dollar mensuel, alors en payer 2 pour des cigarettes…

•• Dans la capitale, la vente de cigarette de contrebande est tout sauf clandestine. Elle se fait au vu et au su des policiers. Ces derniers se montrent soit débonnaires, soit encaissent des petits pots-de vins des vendeurs de rue pour fermer les yeux dans un pays où la pauvreté est générale et où chacun se débrouille comme il peut.

Sur un boulevard, un jeune homme empile ses paquets pour former une sorte de tour pour concurrencer celle de son voisin. On vend aussi des cigarettes à l’unité. Dans les quartiers populaires, les paquets « légaux » ont disparu, alors que dans les quartiers huppés ils cohabitent avec la contrebande.

•• « Quand vous avez une population sans le sou, la contrebande devient malheureusement la seule manière pour les gens de pouvoir acheter quelque chose », analyse Felipe Capozzolo, président de Consecomercio, une association de commerçants, qui assure que ces derniers sont les principales victimes de la concurrence des produits de contrebande ou contrefaits.

Mais si la contrebande est une échappatoire pour les plus démunis, elle touche durement l’État et, concernant les cigarettes, l’ensemble de la filière tabac.

•• « Nous (les compagnies de tabac) sommes les principaux contributeurs au Trésor national en termes d’impôts », assure à l’AFP Miguel Benzo, un dirigeant du cigarettier vénézuélien Bigott, filiale de British American Tobacco (BAT).

« 73% du prix d’un paquet va à l’État  », explique-t-il. « Sur 20 cigarettes d’un paquet, 15 partent en impôts et taxes. Les cinq autres doivent aussi couvrir nos coûts et bénéfices ».

•• La consommation de cigarettes de contrebande a augmenté de 300 % depuis 2019 et représente désormais 30 % du marché local selon une étude financée par Bigott.

Dans certaines régions frontalières, près de la Colombie par exemple, la cigarette de contrebande a pris près de 80 % du marché. Les cigarettes arrivent de Colombie par voie terrestre ou des Antilles néerlandaises toutes proches par des « go-fast » maritimes. Il en arrive même à travers les ports grâce à des envois clandestins.

BAT a lancé des cigarettes moins chères pour concurrencer la contrebande, mais a finalement dû fermer une usine à Caracas, licenciant 130 personnes. Ses achats de tabac local ont été divisés par trois, passant de 6 000 à 2 000 tonnes par an.