Dans un entretien-vidéo publié sur le site du Point ce 16 septembre, Gérard Dubois, professeur de santé publique et coauteur du rapport sur la cigarette électronique de 2015 (voir Lmdt des 30 juillet 2019 et 22 mars 2016), remet les pendules à l’heure.
Au regard du « grand procès » fait à la cigarette électronique outre-Atlantique (voir Lmdt des 17, 14 et 11 septembre) et à la proposition de l’euro-députée Michèle Rivasi (voir Lmdt du 15 septembre). Extraits.
•• « Nous sommes aujourd’hui dans la confusion la plus totale. Il faut bien comprendre le contexte et ne pas tout mélanger.
« Il y a cette soudaine épidémie de pathologies pulmonaires dont sont atteintes en deux mois plus de 400 personnes avec 6 décès, qui survient outre-Atlantique et qui est attribuée à la cigarette électronique.
« Une épidémie qui vient s’ajouter à un second événement datant de juillet dernier : lorsque l’OMS emploie une terminologie malheureuse en qualifiant la cigarette électronique d’« incontestablement nocive », dans les conclusions d’un rapport sur le tabac, fait par des Américains pour l’OMS et censé explorer les doutes quant à la cigarette électronique (…) Dans cette ambiance générale, c’est comme si cette épidémie venait conforter cette idée fausse d’« incontestablement nocive ».
•• « (…) La cigarette électronique est commercialisée depuis 2010, nous avons donc quand même quelques années de recul. Tout à coup, semblant venir de nulle part, apparaît une épidémie de 400 cas d’atteintes pulmonaires graves avec 6 morts. L’épidémie a été brutale et localisée (…) Dès que l’épidémie s’est déclarée aux États-Unis, une alerte a été émise pour repérer au plus vite des cas similaires ailleurs dans le monde. Pour l’instant, il n’y en a toujours aucun.
« Rien d’étonnant, puisque les premières investigations ont montré très vite que, dans plus de 80 % des cas, les personnes malades aux États-Unis ont détourné l’usage de leur cigarette électronique (…) Il faut être clair : aucun produit légal n’est mis en cause dans cette épidémie américaine, aucun « (…)
« Dès le premier décès supposé à cause de la cigarette électronique, il faisait déjà la une de tous les journaux. Pourtant, ce même jour, 1 500 autres fumeurs sont morts du tabac aux États-Unis, 22 000 dans le monde ! Pas une ligne.
•• « Alors, oui, la cigarette électronique reste une bonne idée (…) Les deux liquides principaux utilisés sont la glycérine et le propylène glycol. C’est un produit très répandu (…) Si c’était un produit hautement dangereux autant dire qu’on serait au courant depuis longtemps.
« (…) Pour être efficace collectivement et sortir les gens du tabagisme, il faut qu’un substitut nicotinique emporte la faveur des fumeurs. Le patch est efficace mais si peu de monde s’en sert, il est peu utile collectivement. La cigarette électronique a été créée par des fumeurs pour des fumeurs et c’est pour ça qu’elle leur est plus attractive.
•• « (…) L’inquiétude (sur les jeunes, ndlr) est fondée aux États-Unis, mais pas chez nous, car nous avons réglementé dès le début, nous avons anticipé. Rappelons que la vente aux mineurs de ce type de produits est interdite, ce qui en limite l’accès.
« Par ailleurs, si un jeune sur deux qui essaye une cigarette tabac devient fumeur, ce n’est qu’un jeune sur six avec la cigarette électronique (…) Donc, il ne faut surtout pas se laisser aller à de fausses idées dans le contexte médiatique actuel.
•• « (…) Interdire la cigarette électronique serait une absurdité totale ! (…) En France, il y a un contrôle de la technique de l’appareil, une liste de substances validées dans les produits de recharge, et des limites de concentration de nicotine … ce qui n’existe pas aux États-Unis ».