Un buraliste du Val-d’Oise est confronté à l’explosion de la vente de cigarettes de contrebande … juste devant son commerce. Installé depuis vingt ans, il était le plus gros de la région.
Témoignage (dans l’anonymat pour des raisons de sécurité) avec Le Parisien.
Dix salariés, deux associés, ce buraliste est à la tête d’une affaire qui tourne, ou plutôt qui tournait. « Je perds 2 500 euros à 3 000 euros tous les jours » se désole Patrick (le prénom a été changé), qui se dit « inquiet ». « C’est 30 à 40 % de mon chiffre d’affaires. On est victime de ce trafic J’ai 30 000 euros de charges tous les trimestres à payer, les impôts. L’État ne nous fait pas de cadeaux. Et eux, ils sont là à se faire 100 % de bénéfice et … rien ne se passe. »
•• L’an dernier, il a fêté les vingt ans de sa boutique. À l’époque, avec son frère et son cousin, cet ancien du prêt à porter a dû mettre sur la table un million d’euros pour le fonds de commerce et le stock de tabac. Ce n’est que depuis « deux, trois ans » que le trafic a gagné. « Au début, ils étaient un ou deux sous la galerie et puis cela s’est propagé ».
Pour répondre aux questions, il est à l’arrière de sa boutique, loin des yeux et des oreilles indiscrètes : « on a peur pour la famille, ils ont des couteaux, des machettes. Ils se battent entre eux pour la place ». Il ne se voit pas non plus « faire la police » lui-même.
•• Alors il regarde ses clients s’arrêter pour acheter ces paquets de contrebande, vendus sous le manteau 5 euros quand lui les propose deux fois plus cher. « Un sur deux » ne franchit plus son seuil. Certains lui avouent que « pour être tranquille », ils donnent un billet. « Ils sont là toute la journée, tant qu’il y a du monde à la gare », constate Patrick.
Ce matin-là, il s’est levé à 4 heures pour ouvrir à 4 heures 45. « Ils étaient là avant moi. Ils sont très bien organisés, avec des guetteurs dans tous les coins, des voitures qui viennent donner du stock. Ils les cachent dans les gouttières, sous les voitures, complète son frère. Ils ont même mis en place du drive Quand les voitures s’arrêtent ou se garent, ils proposent les paquets en tapant directement à la vitre. Ils n’ont peur de rien ».
« Quand on appelle les policiers, ils s’enfuient, les guetteurs les préviennent. Il faudrait qu’ils viennent en civil. De toute façon, quand ils les ramènent, ils sont relâchés. »
Pour faire face, les associés ont diversifié leur activité, comme d’autres buralistes. « S’il n’y avait que le tabac, on ne s’en sortirait pas », conclut Patrick. Jusque-là, il était considéré comme le plus gros buraliste du Val-d’Oise.