Pour aborder la mise en œuvre, ce 20 mai, du dispositif européen de traçabilité du tabac (voir Lmdt de ce jour 1 et 2), le quotidien Les Échos a consulté trois acteurs de la lutte contre la contrebande : un anti-tabac, un anti-fabricant, un fabricant.
•• Loïc Josseran, le président de l’association Alliance contre le Tabac, se réjouit de cette avancée : « on va enfin être au clair sur l’activité et les ventes des fabricants. Quand on interceptera une cargaison en France, on saura si elle est à destination du marché espagnol, français ou belge. »
Selon lui, l’impact de la contrebande dans l’Hexagone est volontairement surestimé par les industriels, qui répandent des chiffres alarmistes afin de décrédibiliser les politiques publiques de lutte contre le tabagisme – paquet neutre ou hausse des droits d’accise. « On va enfin tordre le cou aux rumeurs, et montrer que ce ne sont pas juste les ventes dans le réseau officiel qui baissent, mais aussi la prévalence du tabagisme », se félicite-t-il.
Seul bémol aux yeux de Loïc Josseran, les tiers de confiance choisis pour stocker les codes uniques – Atos, Dentsu Aegis, IBM, Movilizer, Zetes – ont pour certains des liens indirects avec les industriels du tabac, et « risquent encore d’interférer ».
•• La nouvelle traçabilité va permettre de taxer le tabac acheté à l’étranger, espère quant à lui le député Libertés et Territoires François-Michel Lambert (voir Lmdt du 5 avril) : « d’ici à trois ou quatre ans, on saura combien de cigarettes ont été vendues au Luxembourg et consommées en France. On pourra réclamer l’application de la fiscalité française » commente l’élu écologiste.
•• À ce stade, les fabricants vont surtout être préoccupés par la mise en œuvre du marquage et du suivi. Dans les usines, ce sont eux qui vont scanner les petites vignettes protégées avec cinq éléments de haute sécurité, comme les billets de banque. Ils financent le dispositif de traçabilité, de l’impression des vignettes au stockage des données sur une base consultable par les Douanes et la Commission européenne, liste le quotidien économique.
« Le paquet, la cartouche, le carton, la palette, nous devons tout scanner. Mais nous n’avons eu que deux mois pour nous préparer après le décret » critique Hervé Natali, chargé des questions de trafic de cigarettes chez Seita.
Par ailleurs, l’industriel estime que la traçabilité « n’est pas la panacée contre le trafic, qui vient aussi d’Afrique du Nord ». Il insiste sur la nécessaire protection des buralistes et des livreurs. Depuis le début de l’année, douze camions de Logista France ont été dévalisés, après 34 braquages sur l’année 2018 (voir Lmdt des 14 avril, 27 mars et 15 février).