Ils étaient 135 producteurs de tabac il y a 10 ans, ils ne sont plus que 25 dans le Lot, département historique de cette culture depuis 200 ans.
« C’est un véritable gâchis » lance, dans La Dépêche du Midi, Francis Gaydou, ancien président de la coopérative de tabac Lot-Aveyron pendant une dizaine d’années jusqu’en 2005 et ancien président de la Fédération régionale de 2009 à 2015.
•• À 65 ans, il a vu l’âge d’or de la culture et son déclin dans les années 2010. Lui qui dit être « né » dans le tabac – issu d’une génération d’agriculteurs tabaculteurs à Payrignac (à une cinquantaine de kilomètres de Cahors) – arrête tout en 2015, dégoûté du tournant que prend la filière.
« On ne s’y retrouvait plus économiquement, on voyait qu’on faisait n’importe quoi et qu’on allait au casse-pipe. C’est en interne qu’on s’est tiré une balle dans le pied. La fédération nationale nous a emmenés sur la mauvaise pente en poussant à des exploitations plus grosses, ça a amené la baisse des rotations des terres, l’augmentation des problèmes, des pesticides, des herbicides. La qualité a baissé et les prix avec. Ceux qui avaient de petites surfaces ne s’y retrouvaient plus » raconte-t-il.
En 2019, le prix du kilo de tabac tombe à 2 euros, le dernier atelier de transformation de tabac de France installé à Sarlat ferme ses portes (voir 30 septembre 2019). C’est le couperet final.
•• « La majorité des producteurs lotois a claqué la porte à ce moment-là, même moi j’ai voulu arrêter. J’ai tout foutu par terre pour installer des poulaillers, j’avais 4 hectares … et j’en ai gardé un » souligne Sébastien Brugidou (photo), 43 ans, installé à Castelnau-Montratier (entre Cahors et Montauban).
Un choix qu’il ne regrette pas aujourd’hui puisqu’il s’est tourné vers la dernière coopérative du sud-ouest TGA (Tabac Garonne Adour), basée à Mont-de-Marsan, quand la coopérative lotoise Midi Tabac s’est éteinte avec Sarlat. En 2008, TGA lance sa filiale Traditab (voir 10 septembre 2023) avec l’ambition de produire du tabac à rouler 100 % issu des exploitations du sud-ouest notamment sous la marque 1637 qui regroupe plusieurs variétés cultivées dans la région. Un pari gagnant pour tout le monde.
•• Dans ses quatre bâtiments, Sébastien Brugidou regarde ses pieds de tabac en train de sécher, 28 000 pieds récoltés à la mi-août. « Aujourd’hui, on vend entre 5 et 7 euros le kilo en fonction de la qualité. À cause des orages de juin, le rendement est moindre cette année mais l’assurance va compenser mes pertes. »
« Le tabac a toujours fonctionné sur de petites surfaces. Je ne suis pas sentimental, je ne fais pas ça par tradition mais parce que ça reste rentable. Ça permet aussi de m’occuper et de faire travailler mon salarié en CDI, l’hiver quand pendant un mois et demi à partir de novembre, on effeuille et on trie le tabac » confie l’exploitant.
Le technicien de la coopérative TGA, Dominique Sorel, passe régulièrement voir ses producteurs lotois et prospecte. « On essaie de remotiver les agriculteurs, on cherche des producteurs. Grâce à notre filiale on arrive à avoir des prix intéressants et on a encore des marchés qui ne sont pas exploités. 80 % du tabac reste en France et on exporte 20 % en Italie, le tabac de cape pour envelopper les cigarillos » termine le technicien promettant encore de belles heures à cette culture dans la région.