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21 Sep 2017 | Profession
 

Nous reproduisons intégralement l’article paru sur Le Figaro de ce 21 septembre, repris sur le Figaro.fr, l’édition papier n’étant pas disponible dans les points de vente pour raisons de grève.

« Nouveau coup de tabac sur le marché des cigarettes. Après les paquets génériques (tous de couleur vert olive et sans logo), obligatoires depuis janvier, le Gouvernement veut imposer … les prix génériques, identiques. Cette mesure, qui accompagne une hausse des tarifs plus forte que prévu pour les paquets les moins chers, pourrait très vite bouleverser le marché. « Nous allons harmoniser le prix du paquet dès la fin de l’année en augmentant en moyenne de 35 centimes d’euros pour aboutir à des paquets à 7,10 euros », a annoncé mercredi la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, en présentant le rythme décidé par le gouvernement pour aboutir, en six fois, à un paquet à 10 euros fin 2020 (voir Lmdt du 20 septembre).

•• La première hausse, que la ministre souhaite dès novembre, cache une disparité : elle implique une augmentation de 60 centimes des paquets les moins chers (Lucky Strike, News, vendus 6,50 euros), mais de seulement 10 centimes pour le plus cher, celui du leader Marlboro. En tentant d’imposer le tarif unique, le gouvernement veut supprimer le dernier outil marketing à disposition des industriels.

•• « Après le paquet neutre, la ministre de la Santé veut à nouveau fausser le jeu de la concurrence au détriment du droit européen en voulant déterminer elle-même un prix unique du tabac », s’étonne Benoît Bas, directeur des relations extérieures de JTI. « La hausse annoncée est sans précédent et va provoquer près de à 2,5 milliards de pertes de recettes fiscales. »

•• « Le gouvernement fait de nouveau un cadeau au leader du marché. La conséquence de cette mesure sera d’inciter la contrebande. En France, quand on n’a pas d’idées, on augmente les taxes » Éric Sensi-Minautier, Directeur des Affaires Publiques et de la Communication de British American Tobacco France.

•• C’est une révolution pour le secteur. Pendant des années, les hausses de prix, suivies de près par l’administration des douanes (autorité de tutelle des industriels et buralistes), étaient identiques pour toutes les marques. Les instruments fiscaux à disposition de Bercy ne permettent pourtant d’agir que sur le prix minimum. Fin 2013, pour garantir l’écart de 50 centimes entre bas et haut du marché et convaincre Philip Morris d’augmenter sa Marlboro, le gouvernement a réduit la taxe sur les paquets les plus chers, lui accordant un cadeau fiscal.

•• La loi Touraine, attribuant l’an passé la cotutelle du secteur au ministère de la Santé, a rompu cet équilibre : les industriels ont réclamé en vain ces dernières semaines un cadeau fiscal à Philip Morris pour le convaincre de maintenir l’écart de prix de 50 centimes. « Depuis le paquet neutre, c’est la seule chose qui nous permet de nous différencier », assure Adrien Julian, responsable affaires publiques de Seita. « Nous allons vers un monopole de fait de Philip Morris sans bénéfice de santé public. »

Toutefois, l’harmonisation visée n’est pas assurée. Le gouvernement va vite augmenter le « minimum de perception », mais les industriels restent libres de fixer leurs prix. Quand le gouvernement a publié en février un décret augmentant le « minimum de perception » pour relever les prix à 6,60 euros (voir Lmdt des 1er et 2 septembre, 18 juillet et 13 mars), les industriels ont baissé leurs marges pour ne pas augmenter les paquets les moins chers. Pas question de jouer avec le feu, d’autant que le paquet neutre a dopé la part de marché de Marlboro, passée de 25,38 % à 26,51 % depuis janvier.

•• « Pour éviter de voir le leader prendre trop d’avance sur eux, des industriels pourraient choisir de réduire leurs marges », assure un très bon connaisseur du marché. « De plus, même en l’absence de cadeau fiscal, Marlboro pourrait augmenter son prix au-delà du minimum visé : le siège du groupe ne comprendrait pas que sa marque phare soit vendue au prix de l’entrée de gamme. De toute façon, même avec seulement 20 ou 30 centimes d’écart avec le bas du marché, Marlboro accélérera sa conquête de part de marché. »