La Loi relative à la Lutte contre le Gaspillage et à l’Économie circulaire de Brune Poirson (voir 19 décembre 2019) crée nombre de filières de recyclage. Mais aussi, et c’est une première, des filières « pollueur-payeur » dont le but n’est pas de recycler mais de nettoyer et d’éliminer.
Celle dédiée aux mégots démarrerait dès janvier 2021. Plus précisément, dans le cadre d’une filière de « Responsabilité élargie des Producteurs ».
Et d’après Les Échos de ce jour, un « Collectif Mission Mégots », constitué par les quatre cigarettiers du marché (Seita, Philip Morris, British American Tobacco et Japan Tobacco), a déjà commencé à discuter avec l’administration française à ce sujet.
•• Le décret d’application sur la filière doit sortir avant fin juin puis, dans la foulée, le projet de cahier des charges de l’éco-organisme que financeront les cigarettiers.
Industriels, État et collectivités locales excluent le recyclage, les mégots étant trop chargés en substances chimiques, reprend le quotidien. Pour le reste, son champ d’action reste est à inventer.
•• « Il n’existe pas de référence ailleurs. La France a été pionnière en décidant de mettre en place la filière avec deux ans d’avance sur la Directive européenne qui l’impose en 2023 » rappelle Julien Anfruns (PMI), porte-parole du Collectif Mission Mégots.
Les actions de l’éco-organisme incluront, par exemple, « des campagnes de sensibilisation, le financement d’actions ponctuelles des collectivités locales (nettoyage de plages, distribution de cendriers portables etc.) voire une aide au nettoiement de la voirie » précise Cyril Lalo (Seita) également membre du collectif.
•• Le Collectif Mission Mégots se demande, cependant, ce que l’éco-organisme aura juridiquement le droit de faire.
Il y a dix ans, British American Tobacco France s’était fait attaquer en justice par des associations antitabac pour avoir distribué des cendriers de poche (sans marque). Il avait été relaxé mais « le Code de la Santé interdit toute promotion directe ou indirecte du tabac et l’interprétation du juge est très large. Il reste donc à voir comment concilier les codes de la Santé et de l’Environnement » souligne Cyril Lalo.
•• L’autre incertitude porte sur le montant de l’éco-contribution à payer.
En Europe, Bruxelles estime le coût pour les producteurs à 106 millions d’euros par an (à partir d’une comptabilisation portant sur 1 million de tonnes de tabac par an). Rapporté aux 55 800 tonnes estimées en France, cela ferait 5 millions par an, en déduisait l’an dernier l’étude d’impact de la loi économie circulaire.
Pas de quoi financer grand-chose mais cela n’incluait pas les actions de nettoyage par exemple, objecte-t-on du côté du ministère et le montant réel serait nettement supérieur.
•• Cependant, le collectif renâcle à l’idée de payer pour tous, toujours selon Les Échos, car « nous ne vendons que 51 des 71 milliards de cigarettes consommées par an en France, le reste est un commerce parallèle, composé à parts quasi-égales d’achats transfrontaliers et de contrebande, complété de 3 % de contrefaçon » souligne Julien Anfruns.
Reste que dans toutes les filières, « le principe est de payer suffisamment pour couvrir l’ensemble des besoins, pas seulement celui engendré par ses propres produits », rappelle Bertrand Bohain du Cercle National du Recyclage.
•• En incluant les cigarettes fumées en intérieur, le Collectif Mission Mégots estime qu’au total, sur les 71 milliards de cigarettes fumées dans l’Hexagone chaque année, 29 % des mégots, soit 21 milliards, finissent au sol.
Soit 4 500 tonnes de déchets, que leurs composants chimiques apparentent à des déchets dangereux au sens réglementaire (voir 29 janvier).