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22 Sep 2019 | International, Observatoire
 

Il y a deux ans, le Lesotho – petit royaume de 2,1 millions d’habitants enclavé au cœur de l’Afrique du Sud – avait décidé de miser sur « un nouvel eldorado » en devenant le premier pays africain à autoriser la culture du cannabis thérapeutique. Aujourd’hui, une dizaine d’entreprises, notamment canadiennes et américaines, y dominent le marché. Reportage AFPTV / franceinfo.

Selon la loi locale, les graines sont largement épurées : ce cannabis ne peut contenir plus de 0,03% de THC. Il contient quasiment uniquement du cannabidiol (CBD).

•• Installée au Lesotho, l’entreprise Medigrow (en partenariat avec le canadien Supreme Cannabis) a investi 17,4 millions d’euros sur son site des environs de la capitale, Maseru, et construit actuellement un héliport pour transporter « plus rapide et plus sécurisé » affirme son chef des opérations, Relebohile Liphoto.

Un investissement important, en phase avec les perspectives de développement du marché mondial du cannabis à usage médical, qui sont colossales. Aujourd’hui estimé à 135 milliards d’euros, il pourrait atteindre en 2028 les 248 milliards d’euros, selon les estimations de la banque Barclays.

•• « Nous allons produire plus de 1 000 litres d’huile de CBD » confie le chef des opérations de Medigrow à propos de son exploitation au Lesotho. « Selon l’état du marché, on peut vendre un litre d’huile de cannabis entre 6000 et 21 000 dollars » (entre 5 400 euros et 19 000 euros), ajoute-t-il.

•• « C’est une énorme opportunité pour le pays » assure à l’AFP la vice-ministre de la Santé, Manthabiseng Phohleli. Frappé par le chômage, par une épidémie de sida qui touche 23 % de sa population et confronté à un manque criant de services publics, le Lesotho fait partie des pays les plus pauvres de la planète.

Le fait d’avoir autorisé la culture du cannabis thérapeutique « attire les investisseurs » poursuit la ministre. Elle souligne qu’« une dizaine d’entreprises œuvrent déjà sur le territoire ».

•• Mais cultiver a un prix : une licence annuelle de 30 000 euros à verser à l’État, renouvelable chaque année. Cette somme, considérable pour les entreprises du pays, à l’aune de la fragile économie du Lesotho, a surtout permis aux sociétés étrangères, notamment canadiennes et américaines, de dominer le marché.

Du coup, les agriculteurs locaux en sont largement exclus. Mothiba Thamae, 38 ans, aurait bien aimé profiter de cette manne : « nous pensions nous lancer dans le cannabis lorsqu’il a été légalisé. Mais la licence est bien trop chère pour nous. On espérait que le gouvernement donnerait une opportunité aux petits fermiers Basotho (l’ethnie locale) d’en cultiver légalement. Malheureusement, non ».

Dans les campagnes, les habitants n’ont d’ailleurs pas attendu la légalisation : depuis des siècles, ils font pousser la « matekoane », le cannabis en langue sesotho. « L’argent du cannabis, c’est du bonus, cela me permet de survivre, de payer l’école à mes enfants » confie cet agriculteur. Il peut compter sur de nombreux contrebandiers pour écouler sa marchandise.

•• L’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDC) estime que 70 % du cannabis en Afrique du Sud provient des montagnes du « Royaume du Ciel » … le Lesotho.