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14 Mar 2024 | Trafic
 

Malgré les augmentations des prix du tabac, le nombre de fumeurs ne baisse plus en France : un quart des 18-75 ans allument au moins une cigarette par jour … Bienvenue au fond de lautocar des fumeurs, parti dAurillac à 3 h 33 du matin.  C’est ainsi que débute un reportage du quotidien régional La Montagne que nous reproduisons.

Qui s’infligerait ça ? Six heures de route aller, seulement trois heures sur place puis encore six heures de route au retour. Soit 750 kilomètres en un samedi, plié en quatre sur le similicuir d’un siège dont le confort laisse à désirer. Et pourtant, le car pour le Pas de la Case est bondé : ses 60 places n’ont eu aucun mal à s’écouler. À 35 euros le voyage… les calculs sont vite faits … 

•• « Moi, ça fait vingt ans que jy vais » témoigne V. « maintenant, il y a deux cars par mois. Au début, il ny en avait quun… et encore, on ne partait pas lhiver à cause de la neige. » Véronique grille un paquet d’Austin par jour. Au 1er janvier 2024, il a de nouveau augmenté, passant de 10,50 à 10,90 euros. Au Pas de la Case ? Elle dit toucher la cartouche « à 27 euros », ce qui « dépanne bien ».

Mais V. ne nous enfume pas. « Je nen prends pas deux », sourit-elle lorsque lon évoque la limite imposée aux achats en Andorre (300 cigarettes, soit une cartouche et demie par personne). « Personne nen prend deux », confirme L. « je pense quil y a davantage de trafic de cigarettes que dalcool, parce que ramener énormément de bouteilles, cest pas possible. Il faudrait prendre 48 000 valises. Les clopes, cest beaucoup plus facile à cacher, à stocker », éclaire-t-elle dans la pénombre.

•• Pourtant, les contrôles de la Douane ne sont pas inexistants. « La dernière fois que jai été arrêtée là-haut, à la frontière, ils nont laissé passer que deux cartouches. Parfois, ils en laissent passer trois, quatre … ça dépend. Cest suivant leur humeur », rigole V., qui se souvient aussi d’une saisie de « la volante » sur une aire d’autoroute près de Toulouse, à la pause-café. Elle n’a pas l’air traumatisée.

9 heures. Une tempête de neige s’abat sur L’Hospitalet, dernière localité française avant la principauté. Chaussé de pneus hiver, l’autocar dépasse les voitures qui finissent, l’une après l’autre, en accordéon sur le bas-côté. Gros coup de frein. L’autocar ne peut plus redémarrer. Les passagers en profitent pour descendre s’en allumer une, à la fraîche, pendant que les deux chauffeurs montent les chaînes.

À l’arrivée au Pas de la Case, ça se disperse. Les chaussures écrasent la poudreuse pour foncer d’un pas lourd et décidé vers l’un de ces magasins qui se ressemblent tous. « Je peux vous aider ? Quelle marque, vous cherchez ? » demande une vendeuse dans un français parfait. Le client est roi. Winston blue, 34,85 euros la cartouche. Marlboro red, 41,95 euros. Camel, 39,45 euros. Un briquet offert. 

•• Aurillac est loin d’être un car isolé. Ces convois de fumeurs affluent dun vaste quart sud-ouest de la France. Deux sœurs, sont parties vers 6 heures avec les Voyages Duclos, qui proposent pas moins de trois allers-retours par semaine.

L’une d’elle habite Meauzac, en périphérie de Montauban. Elle a conduit 40 minutes jusqu’à Grenade, au nord de Toulouse, pour attraper cet autocar à 24 euros. Avec linflation galopante et le tabac qui nen finira jamais daugmenter, elle (un paquet tous les deux jours) sest fait une raison : depuis décembre, elle descend une fois par mois en Andorre.

Cette mère de famille respecte les limites et nous le prouve en ouvrant grand ses sacs de course. Des Winston… mais aussi du café, des produits d’hygiène, des biscuits « dinosaures » pour son fils qui les adore.

Autre totem de la consommation tricolore en principauté, la bouteille de Ricard. Distillée en France, elle y effleure les 20 euros le litre, alors qu’elle dépasse à peine les 10 euros ici. « Chez vous, cest un peu spécial hein ! », taquine Mehdi, un serveur dans un café du Pas de la Case. Il se marre. « Des taxes, des taxes pour monsieur Macron. »

•• « J’économise en clopes ! En France, fumer devient un luxe. » F. lève les yeux au ciel. Elle et son mari tournent à trois paquets par jour. Déjà dix ans qu’elle embarque, une à deux fois par mois, dans un autocar pour Andorre.

Les augmentations successives ? « Ce nest pas normal, coupe-t-elle en éteignant sa News. L’État sen met dans la poche. » Animatrice de lotos, elle réside à Castelsarrasin, dans le Tarn-et-Garonne. Le matraquage fiscal ou les remontrances familiales n’y changeront rien. Ce foyer ne compte pas diminuer sa consommation. « Au contraire … on fume encore plus depuis quon vient là. » Photo : Jérémie Fulleringer