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11 Sep 2022 | International, Profession
 

Assise devant une machine qui contrôle la qualité des cigares, Orquidea Gonzalez, une ouvrière cubaine, se dit fière de perpétuer la tradition et de contribuer à une industrie qui, pendant la pandémie, est devenue la deuxième exportation de Cuba (voir 12 août). Ainsi commence une dépêche AFP signée Leticia Pineda que nous reproduisons ci-dessous.

« J’adore faire des cigares. C’est ici que j’ai passé ma vie et c’est tout un art. Tout le monde ne sait pas faire des cigares, comme tout le monde ne sait pas peindre un tableau » s’enthousiasme l’ouvrière de 55 ans.

Son travail consiste à mesurer dans un tube métallique le niveau d’aspiration de chaque cigare afin de s’assurer que le fumeur obtienne la bouffée parfaite. « Si c’est moins de 40, c’est que le niveau (d’aspiration) est excessif, si c’est plus de 80 c’est trop bas », explique-t-elle, les yeux rivés sur l’aiguille de la machine.

•• La fabrique d’El Laguito a été inaugurée en 1966 dans l’ouest de La Havane pour confectionner les cigares de Fidel Castro (1926-2016) et ceux qu’il offrait à ses hôtes de marque.

C’est là que sont nés les cigares Cohiba, la plus prestigieuse marque cubaine dont le nom fait référence à la façon dont les Indiens Tainos, le peuple originaire de l’île, désignaient les feuilles de tabac roulées qu’ils fumaient et qui avaient tant surpris Christophe Colomb à son arrivée. Rouler ses propres feuilles est d’ailleurs une tradition qui perdure chez les paysans de la province occidentale de Pinar del Rio, où se trouvent la plupart des plantations de tabac cubaines.

•• C’est dans cette fabrique et sous cette marque que continue d’être produit le Lancero, le cigare favori de Fidel Castro qui s’était finalement résolu à arrêter de fumer en 1985, à 59 ans. « Malgré toutes les difficultés auxquelles nous devons faire face », l’objectif est de fabriquer « près de deux millions » de cigares en 2022, soit environ une production quotidienne de 9 000 pièces, explique Oscar Rodriguez, le directeur de la fabrique (voir 27 février).

Malgré la pandémie de coronavirus, l’exportation de cigares cubains a crû de 15 % en 2021, pour un total de 568 millions de dollars, selon Habanos S.A. qui regroupe toutes les marques nationales. Une bonne nouvelle pour l’économie cubaine qui traverse sa plus grave crise depuis trente ans, avec des pénuries et des coupures d’électricité quotidiennes.

Durant les longs mois de la pandémie, la fabrique « ne s’est pas arrêtée un seul jour », au point que les cigares sont devenus « le deuxième poste d’exportation du pays », souligne M. Rodriguez. L’Espagne, la Chine, l’Allemagne, la France et la Suisse sont les premiers acheteurs de cigares cubains.

•• Maniant avec dextérité une lame courbe et une substance collante, des dizaines d’ouvriers apportent la touche finale aux extrémités des cigares qui viennent d’être roulés.

Environ 60 % des travailleurs sont des femmes, selon la tradition de cette fabrique fondée notamment par Celia Sanchez, la compagne d’armes de Fidel Castro dans les montagnes de la Sierra Maestra. Il s’agissait de donner des opportunités à des mères célibataires ou des femmes en difficulté.

Norma Fernandez, une autre fondatrice, est morte pendant la pandémie. C’est elle qui roulait les cigares du leader de la Révolution. « C’était un privilège de pouvoir dire : J’ai fait les cigares du président », se souvient Orquidea Gonzalez qui travaillait déjà dans la fabrique installée dans une villa élégante des années 1950.

Caridad Mesa, âgée aujourd’hui de 55 ans, a commencé à travailler à El Laguito comme femme de ménage. Trente ans plus tard, elle est chargée de débusquer le moindre défaut des cigares. Il faut contrôler « la qualité, le poids, la taille (…) la grosseur », explique-t-elle devant des boîtes remplies de cigares que scrute son regard aiguisé, sous un portrait d’Ernesto Che Guevara.

•• Les cigares Cohiba, qui couvrent un large éventail de modèles, peuvent coûter entre 30 et 200 dollars pièce, tant à Cuba qu’à l’étranger. « Le tabac cubain se distingue de tous les autres par la saveur que lui confère la terre de Pinar del Rio, où sont faites les meilleures récoltes de tabac », souligne Orquidea Gonzalez, pour qui il ne fait aucun doute que s’y produit le meilleur tabac du monde. Photo : AFP