
Leur offre était imbattable : 35 euros la cartouche, alors qu’elle avoisine les 130 euros chez un buraliste.
Âgés de 25 à 35 ans, cinq individus comparaissaient, ce 8 octobre, au tribunal de Chartres (Eure-et-Loir), pour participation à un trafic de cigarettes de contrefaçon.
C’est ainsi que débute un sujet de Franceinfo Centre Val de Loire que nous reprenons.
« Chaque semaine, on assiste à un procès où l’on est partie civile », soupire, au téléphone, Daniel Bruquel, chef du service prévention du commerce illicite pour Philip Morris France, détenteur de la marque Marlboro.
Ce 8 octobre, le cigarettier était présent au tribunal de Chartres, pour le procès de cinq individus poursuivis pour participation à un trafic de cigarettes de contrefaçon. Des copies imitées à la perfection, vendues par cartouche pour la modique somme de 35 euros, contre 130 euros chez un buraliste français.
Lors de l’arrestation du quintet, les enquêteurs ont retrouvé près de 300 cartouches de cigarettes dans une boutique de téléphonie. Une enseigne de façade, située à Vernouillet (Yvelines), qui servait notamment à blanchir l’argent. De la résine de cannabis et de la cocaïne ont également été découvertes.
« On ignore comment ils s’approvisionnaient, mais ils avaient mis en place un système de vente via l’application Snapchat, et procédaient à des livraisons sur Dreux ainsi que dans toute l’Eure-et-Loir », relate Daniel Bruquel.
Des peines de 30 à 36 mois de prison ont été requises à l’encontre des trafiquants. Le délibéré est attendu pour le 3 novembre.
Des réquisitions trop faibles pour le professionnel du tabac.
« Le business des cigarettes contrefaites génère 2 milliards d’euros de revenus pour les organisations criminelles. On n’est pas loin des 3,5 milliards d’euros des stupéfiants. Pourtant, d’un côté, on risque maximum trois ans d’un côté, avec des peines prononcées en deçà de deux ans, contre 10 ans pour un trafic de stups. »
Un trafic profitable, qui attire de plus en plus de consommateurs. « J’en parle avec certains de mes clients. Ils me parlent d’achats à moitié prix. Avec l’inflation et tout ce qu’il se passe, c’est difficile de leur en vouloir. C’est leur portefeuille qui parle », témoigne le gérant du tabac Maryland à Chartres.
Installé depuis 12 ans, il constate une baisse régulière et continue de ses ventes de tabac. De l’ordre de 7 à 8 % chaque année. « C’est en partie à cause de la hausse des prix des taxes. Aujourd’hui le paquet de Marlboro est à 13 euros. Ça fait clairement les affaires du marché parallèle. »
Des prix à la hausse pour lutter contre le tabagisme quotidien, mais dont l’effet reste limité d’après Daniel Bruquel. Si le nombre de fumeurs a baissé entre 2016 et 2019, de 29,4 % à 24 % en métropole selon Santé Publique France, « aujourd’hui les chiffres sont plutôt stables. Ils ne baissent pas autant que les ventes de tabac chez les buralistes. C’est bien la preuve que cela se passe ailleurs ». Disons-le, sur le marché parallèle.
Car si la consommation du nombre de cigarettes, en France, est en baisse, passant de près de 52,2 milliards de « clopes » fumées en 2022, à 49,9 milliards en 2024 (rapport KPMG 2024), la vente de cigarettes de contrebande et de contrefaçon, elle, explose.
Ces dernières représentaient 32,4 % de la consommation française en 2022, contre 37,6 % en 2024. Soit une hausse de plus de 5 points.
À l’échelle de la région Centre-Val de Loire, le constat est encore plus flagrant. « En 2019, 18 % des cigarettes fumées dans la région provenaient en dehors du réseau des buralistes français. Aujourd’hui, on est aux alentours de 52 % », précise l’expert en commerce illicite.
Face à de tels chiffres, les buralistes sont souvent désarçonnés. « Que voulez-vous faire ? », interroge le gérant du Maryland à Chartres. « Vous coupez un réseau, un autre prend sa place. On est obligé de se diversifier, sinon on ne s’en sort plus. » Lui propose désormais des services de retrait de colis, ainsi que des services bancaire. Il reste toutefois lucide. « Ça ne rapporte pas beaucoup. Je ne retrouverai jamais mon chiffre d’affaires d’auparavant. »
Entre 2002 et 2023, près de 10 000 buralistes ont mis la clé sous la porte.




