Cinq experts du sujet, avec Bernard Kouchner comme tête d’affiche, signent « Toxic, le combat des 5 médecins de la drogue » (éditions Odile Jacob) afin d’apporter leur tribut aux débats toujours aussi vif autour de la légalisation du cannabis.
Ces cinq-là sont clairement pour : aux côtés de l’ex-ministre et cofondateur de Médecins sans frontière et de Médecins du Monde, les addictologues William Lowenstein, Jean-Pierre Daulouède, Bertrand Leibovici, ainsi que le cardiologue et ancien président de Médecins du Monde, Patrick Aeberhard.
Ils se connaissent tous très bien et racontent leur long combat pour une meilleure prise en charge des toxicomanes et la réduction des risques.
•• Il aura fallu des décennies, et l’investissement passionné de ces cinq médecins aux côtés d’autres professionnels « engagés », pour que la France adopte une conception moins moralisatrice et plus pragmatique du problème : puisque la drogue est un fléau dont on ne parvient à se défaire ni à coups de grands principes ni au moyen de législations prohibitionnistes, autant prévenir et limiter ses effets létaux en traitant les consommateurs comme des malades dignes de soin.
•• Aujourd’hui, près de 80 % des usagers d’opiacés reçoivent aujourd’hui un traitement. Avec 343 overdoses en 2015, pour 2 500 au Royaume-Uni et plus de 1 000 en Allemagne, d’après l’Agence nationale de sécurité du médicament, la France « fait donc mieux que ses voisins », se félicitent les cinq compères. Lesquels alertent, néanmoins, sur le fléau des overdoses aux opioïdes à la base de médicaments anti-douleurs auxquels les patients deviennent accros.
•• C’est toujours en vertu de leur logique de « réduction des risques » que Bernard Kouchner, William Lowenstein et leurs trois autres co-auteurs en appellent à une légalisation du cannabis, tout en prenant soin de préciser qu’ils ne font la promotion d’aucune drogue.
Leur argument est connu : le cannabis étant de plus en plus répandu chez les jeunes, et consommé par 3,5 millions de Français à l’échelle du pays, la politique actuelle de prohibition aboutit à une impasse. Il serait plus utile, estiment-ils, de mettre en place un système de régulation permettant de protéger les plus faibles, dont les ados.
Selon eux, seule la légalisation permettrait d’encadrer la production, la vente et la consommation, comme pour le tabac et l’alcool. Le trafic – estimé à un million d’euros annuel par l’Insee – s’en trouverait lourdement entravé, et la qualité des substances consommées, enfin contrôlée.
Que l’on opte ou non pour la légalisation, il est grand temps de mettre tous les arguments sur la table. Le livre de Bernard Kouchner et ses confrères incite à le faire.