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26 Août 2021 | International, Observatoire
 

Près de trois ans après la légalisation du cannabis récréatif (voir 17 octobre 2018) au Canada, les entrepôts du pays débordent : les stocks s’élèvent à 10 000 tonnes de fleurs de marijuana, quand la consommation mensuelle atteignait « seulement » … 1,3 tonne en septembre 2019 (selon les dernières données communiquées par Santé Canada). 

Pour l’ensemble de l’industrie, les pertes dépassent allègrement les 10 milliards de dollars sur la période. Un déficit qui risque encore de s’alourdir.  Plus de 95% des stocks actuels n’ont pas trouvé preneur auprès des détaillants, et une grande partie est vraisemblablement invendable désormais, explique Matt Lamers du site spécialisé MJBizDaily.

•• Alors comment l’eldorado est devenu un tel bourbier pour les investisseurs ? Réponse de BFM Bourse (voir aussi 18 novembre et 31 décembre 2020).

« Beaucoup d’investisseurs y ont vu le moyen de faire de l’argent facilement et rapidement comme ils auraient pu le faire avec le bitcoin » souffle un spécialiste. Car en l’absence de référentiel, les investisseurs ont jugé les entreprises par leur « capacité financée », soit la quantité de cannabis qu’un producteur pouvait potentiellement faire pousser sur ses terres.

Il en a résulté une véritable course à l’armement et un cercle vicieux qui n’en finissait plus : plus d’investissements signifiant alors de nouvelles installations, donc une production supérieure, ce qui attirait de nouveaux investisseurs séduits par les promesses, etc.

Cette euphorie a permis à l’industrie d’atteindre près de 200 producteurs sous licence (source : Santé Canada) en octobre 2019.

Les producteurs agréés comptabilisaient leur cannabis d’une manière qui n’était pas toujours logique. Ils évaluaient leurs stocks dans leurs bilans de la même manière que les maraîchers leurs légumes: à savoir comme des produits stables avec un prix relativement constant et dont la vente est plus ou moins garantie, par un canal ou un autre. Sauf que le cannabis n’avait ni l’un ni l’autre : personne ne pouvait savoir en réalité à quel prix l’herbe serait vendue au détail, ni la quantité que les consommateurs achèteraient.

•• Or les Canadiens ont en effet dépensé « seulement » 1,2 milliard de dollars en cannabis non médical au cours de la première année civile complète depuis la légalisation, un chiffre bien en deçà des attentes (Deloitte tablait notamment sur 3,4 milliards). Les ventes ont ensuite nettement accéléré en 2020, atteignant un montant conséquent de 2,6 milliards de dollars (+117 %), néanmoins largement inférieur aux 6,5 milliards de dollars sur lesquels misait la Canadian Imperial Bank of Commerce.

Malgré la croissance à trois chiffres du marché en 2020, et le fait que le marché légal a pour la première fois représenté plus de la moitié de la totalité du marché à compter du troisième trimestre- selon les données de Statistics Canada – , « il n’y a aucun cultivateur de cannabis – petit ou grand – constamment bénéficiaire au Canada » constate le PDG du producteur Tantalus Dan Sutton.

Pour tenter de stopper cette hémorragie, les producteurs n’ont désormais d’autre choix que de s’allier, ce qui justifie la phase de consolidation observée en ce début d’année 2021, avec le rachat de Supreme par Canopy Growth (voir 11 mars 2020) et la fusion de Tilray (voir 6 février 2021) et d’Aphria, deux des 5 plus gros producteurs canadiens.