Frédéric Rolland, le président des buralistes du Doubs et administrateur de la Confédération (mais aussi et avant tout patron d’un bar-tabac-presse aux Fins, 8 kilomètres de la frontière Suisse) réagit face à l’augmentation des prix du tabac en vigueur depuis ce 1er janvier, dans une longue interview à L’Est Républicain. Extraits …
L’Est Républicain : Le prix du tabac a augmenté en mai dernier et vous faites face à une nouvelle augmentation en ce début d’année. Quel est votre ressenti ?
Frédéric Roland : … Les buralistes, à force d’avoir des hausses comme ça, ne vendent plus de tabac. Tout ce qu’on a réussi à faire en faisant de grosses augmentations comme ça, c’est faire empirer le marché parallèle. J’ai, dans mon département du Doubs, des collègues buralistes qui ne savent plus quoi faire. Ils ne vendent plus de tabac …
L’Est Républicain : L’impact de cette hausse est donc déjà visible ?
Frédéric Roland : Carrément. C’est trop tôt pour chiffrer, mais il faut savoir qu’aujourd’hui, nous sommes à -10 % de vente de tabac. Nous avons refait des comparatifs entre 2022 et 2023 avec des collègues buralistes et nous observons que nous sommes dans la moyenne nationale. Et pour ce qui est du marché parallèle et de la fraude, je pense que l’on est sur une perte d’environ 50 %.
L’Est Républicain : Vous évoquez des buralistes qui ne savent plus quoi faire, quel est le sentiment qui prédomine chez vos collègues ?
Frédéric Roland : Un sentiment de lassitude. On a beau tirer des sonnettes d’alarme partout en alertant sur ce qu’il se passe, nous ne sommes pas écoutés. Nous l’avons été dans le sens où nous sommes en train de faire la Transformation dans nos magasins. Il faut se transformer, car, à un moment donné, on ne pourra pas vivre que de la vente de notre tabac.
L’Est Républicain : Quels sont vos souhaits face à cette situation ?
Frédéric Roland : On souhaiterait vendre un paquet de tabac qui soit à un prix équilibré, que les clients viennent chez nous et n’aillent pas à l’étranger parce que c’est moins cher. Une harmonisation européenne nous arrangerait pour que l’on vive de notre vrai métier qui est le tabac.
Certes, nous avons des collègues qui peuvent se diversifier et se transformer, mais les petits bureaux de tabac qui n’arrivent déjà pas à s’en sortir ne pourront pas le faire, car il faudra des investissements. À la longue, on est en train de faire un réseau de buralistes où il ne restera que les gros bureaux de tabac. Et les petits, ils vont mourir.
L’Est Républicain : Vous pensez donc que l’harmonisation (européenne) est la meilleure solution ?
Frédéric Roland : Oui, nous avons toujours prôné ça. On l’a bien vu durant le Covid quand les frontières étaient fermées. Nous n’avons jamais vendu autant de tabac en France, car les gens ne pouvaient plus sortir. Aujourd’hui, si tout le monde est au même tarif, les gens n’iront pas en Allemagne, au Luxembourg ou encore en Espagne pour acheter leur tabac. Ils iront dans le tabac le plus proche de chez eux. Si on a une harmonisation et un gel de la fiscalité et qu’on dit stop aux augmentations, ça ira mieux.
L’Est Républicain : En Suisse, le prix du paquet de cigarettes avoisine les 8 francs, soit environ 8,50 euros. Pensez-vous que les consommateurs vont davantage acheter leur tabac là-bas ?
Frédéric Roland : Bien sûr. Moi qui possède un bar-tabac à 8 kilomètres de la frontière, je vois bien que sur le comptoir, nous avons des paquets de couleur qui viennent de l’étranger et donc de la Suisse. On est sur 4, voire 5 euros de différence rien que sur les cigarettes, et sur le tabac à rouler, cette différence est d’autant plus importante.
L’Est Républicain : Pensez-vous qu’une taxe spécifique devrait être appliquée pour ceux qui ramènent du tabac de Suisse en France ?
Frédéric Roland : Les amendes sont existantes pour ceux qui passent du tabac de Suisse en France. On a travaillé sur le fait que maintenant, on a le droit de ne ramener que deux paquets de cigarettes par jour. La cartouche n’est plus autorisée ou alors, elle doit être ouverte. Il y a eu plein de choses qui ont été mises en place, mais aujourd’hui ce que l’on veut ce sont des grosses saisies.