Alcool et cigarettes détaxés, essence ou même lessive … Des milliers de Français se sont rués dès l’aube vers la principauté pyrénéenne d’Andorre, qui ouvrait lundi ses frontières mais aussi ses commerces, asphyxiés par plus de deux mois de confinement, rapporte une dépêche AFP signée Marisol Rifai (voir ce jour et 26 mai).
« À quatre heures du matin on avait déjà du monde. Les gens sont prêts à tout pour des clopes ! » s’amuse au poste-frontière un policier andorran, vérifiant une à une les pièces d’identité d’un groupe de quatre jeunes d’une vingtaine d’années.
•• En milieu de matinée, la route sinueuse de montagne conduisant au Pas-de-la-Case, première localité andorrane après la frontière, avait des airs de départ de vacances, noircie par des centaines de voitures sur une dizaine de kilomètres. Les autorités du petit État pyrénéen ont estimé qu’environ 6 000 véhicules étaient venus des environs, la limite des 100 kilomètres pour les déplacements n’ayant pas encore été levée en France.
À 11 heures, ils étaient quelque 5 000 à avoir franchi la frontière, selon Jean-Michel Rascagneres, le maire adjoint de la paroisse d’Encamp, à laquelle est rattachée le Pas-de-la-Case.
•• Des « touristes express » faisant l’aller-retour en quelques heures et se pliant dans la bonne humeur à toutes les mesures mises en place par la mairie pour éviter les scènes d’agglutinement comme celles du 11 mai au Perthus, à la frontière franco-espagnole.
Port du masque et gel hydroalcoolique obligatoires à l’entrée des magasins, sens de circulation unique sur les trottoirs, bonhommes peints au sol pour faire respecter l’espace d’1,50 mètre entre les personnes …
« Tout ça me rassure, je n’ai pas envie de mourir de ce virus. Ça fait très longtemps que je ne suis pas sortie de chez moi, j’ai la tête qui tourne » confie Eléonore Ducros, 76 ans, venue de « l’Ariège profonde » acheter des cigarettes avec son amie et boire son premier café en terrasse depuis deux mois.
•• Dans un café restaurant un peu plus loin, Carmel Alcaraz se délecte d’une bière et d’une assiette de frites. « On revit, on est bien, on en avait tellement besoin ! » s’exclame-t-elle.
Cette habituée du Pas-de-la-Case est partie de bonne heure en ce jour férié, « mais on a quand même fait deux heures de route, contre une habituellement ». Dans ses sacs, pas d’alcool ou du tabac, mais des produits de nettoyage. « Je suis la reine de la lessive, j’adore la lessive vendue ici, qui vient d’Espagne » rigole cette sexagénaire, confiant être capable de faire le trajet depuis l’Ariège une fois par mois pour s’en procurer.
Les vendeurs du Pas-de-la-Case, pour qui les Français représentent plus de 95 % des acheteurs durant la période estivale, sont aussi de bonne humeur derrière leur masque. « Enfin on travaille, on n’en pouvait plus de rester à la maison, c’était soit on ouvrait soit on sautait par les balcons » affirme Arnaud Monségu, vendeur de spiritueux.