Une dépêche AFP revient sur le développement en Suisse de la vente de cannabis « light », y compris dans les kiosques à tabac. Sujet sur lequel nous avons déjà attiré l’attention de nos lecteurs, il y plus d’un mois (voir Lmdt du 5 mars).
Une femme aux cheveux gris, la soixantaine, inspecte et hume avec attention différentes variétés de marijuana dans un magasin de Lausanne, dans l’ouest de la Suisse : un magasin dont les produits sont parfaitement légaux, annonce ce texte de l’AFP.
« Laquelle recommanderiez-vous pour quelqu’un qui a des problèmes de santé ? », demande l’acheteuse au vendeur, Paul Monot, co-fondateur de la boutique DrGreen.
•• Dans son magasin, des affiches présentent les différents produits fabriqués à partir du chanvre légal. Il a la même couleur, la même forme et la même odeur que le cannabis aux effets psychotropes, mais au lieu de « faire planer » il a des effets relaxants et est considéré comme anti-inflammatoire, à en croire les vendeurs.
La consommation de ces produits est en plein essor en Suisse et les échoppes comme celle de M. Monot ont essaimé dans toute la Confédération ces derniers mois.
•• La loi suisse permet depuis 2011 de vendre du cannabis contenant moins de 1% de THC (tétrahydrocannabinol), la principale substance à effets psychotropes du cannabis. Mais ce n’est que récemment que ce marché a fini par s’envoler.
Dans la majorité des pays européens, la limite est fixée à 0,2 %, ce qui rend impossible toute vente de cannabis légal car les cultivateurs ne sont pas encore parvenus à stabiliser la teneur en THC à un niveau inférieur à 0,2 %.
•• « Le cannabis illégal est de plus en plus fort. Ce n’est plus le cannabis qu’on trouvait il y a 15 ou 20 ans, il n’est plus très compatible peut-être avec la vie de tous les jours », relève, à l’AFP M. Monot, qui tente d’expliquer le récent engouement en Suisse pour le cannabis légal.
Lui s’est lancé dans cette activité en décembre et les ventes atteignent déjà la barre des 100.000 francs suisses par mois (93 400 euros).
•• D’après les médias suisses, le marché du cannabis légal en Suisse représente désormais, à l’année, quelque 100 millions de francs suisses. Les prix varient entre 7 et 18 francs suisses le gramme, soit à peu près les mêmes tarifs que le cannabis illégal.
Les ventes de chanvre légal ont du succès notamment grâce au fait que les fabricants sont parvenus à produire des plantes avec une forte concentration en cannabidiol (CBD), une substance qui a un effet relaxant, selon les vendeurs. Il peut ainsi être vendu sous forme d’huile relaxante ou dans des produits aux « vertus thérapeutiques », d’après eux.
•• En février dernier, les autorités sanitaires suisses ont décidé de taxer ce cannabis à faible THC, au même titre que le tabac, lui conférant du même coup une aura de légalité et fournissant à beaucoup une preuve supplémentaire que ce produit est bien légal. De quoi rassurer les consommateurs aux profils très divers de M. Monot.
« J’adore ce truc », s’enthousiasme Aziza, 37 ans, qui achète du cannabis légal à Genève. « Avec ce truc, je me sens aussi relax qu’avant, mais il n’y a pas la défonce, je peux toujours faire des choses et jouer avec mes enfants », dit-elle.
•• « La Suisse est devenue une sorte d’oasis pour le cannabis légal », explique Corso Serra di Cassano, co-fondateur de KannaSwiss, qui cultive du cannabis en Suisse et dont les ventes ont elles aussi récemment explosé.
La société prévoit de produire 4 tonnes de fleurs de cannabis cette année. Elle dispose d’une surface d’environ 10.000 mètres carrés à l’extérieur et prévoit de tripler sa surface intérieure, de 800 mètres carrés actuellement.
•• Mais pour certains, la situation est presque trop belle pour être vraie, reprend l’AFP.
« Alors ce truc est 100% légal ? », s’étonne un jeune homme aux multiples tatouages et piercings, venu visiter la boutique DrGreen. « Est-ce que je peux le fumer dans la rue ? ».
Oui sur le plan légal, mais comme il est impossible de distinguer à l’œil nu le cannabis légal du cannabis illégal, la police a le droit de demander au fumeur d’effectuer un test. Si la teneur en THC est supérieure à 1 %, le chanvre est considéré comme un stupéfiant et la personne doit payer le test, d’après les médias suisses.
Si les fabricants et vendeurs se réjouissent de l’intérêt des consommateurs et des médias, ils aimeraient toutefois que ce marché soit davantage encadré. « C’est un peu le Far West », explique M. Serra di Cassano, qui demande aux autorités de réguler davantage et mieux la production de ce cannabis légal.