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29 Fév 2020 | Profession
 

« Le prix du paquet de cigarettes le plus vendu en France flambe ! À partir de ce dimanche, les vingt Marlboro atteignent la barre symbolique de 10 euros. Une petite fortune pour les fumeurs. » (voir ce jour).

«  Et tous les paquets sont concernés : la hausse moyenne sera de cinquante centimes. Cette dixième hausse consécutive des taxes sur le tabac depuis le début du quinquennat a déjà porté ses fruits. Le volume des ventes a nettement chuté depuis 2017, passant de 44,2 milliards de cigarettes vendues à 37,2 milliards aujourd’hui », annonce Le Parisien / Aujourd’hui en France en une ce matin. Extraits.

•• Avec un impact sur le nombre de fumeurs, que le gouvernement ne se prive pas de mettre en avant : les consommateurs quotidiens sont passés de 26,9 % en 2017 à 25,4 % en 2018 (derniers chiffres disponibles). Entre 2000 et 2016, le compteur était bloqué autour de 30 %. « Il faut mettre cette politique en relation avec l’explosion des marchés parallèles et du trafic clandestin » tempère Philippe Coy, le président de la Confédération des buralistes, « rien qu’en 2018, les saisies douanières ont explosé de 50 % ».

•• La France devient ainsi le pays où les cigarettes sont les plus chères d’Europe, après le Royaume-Uni. À l’inverse, chez certains de nos voisins, comme au Luxembourg, les prix sont beaucoup plus bas, à 5 euros à peine le paquet. « Les fumeurs ont anticipé. On constate qu’il y a déjà davantage de Français qui viennent nous acheter des cigarettes » constate-t-on à l’Autocenter Goedert de Frisange, un établissement luxembourgeois frontalier.

•• « Les pouvoirs publics sont attentifs aux excès d’achats transfrontaliers. La tolérance a baissé sur les quantités de cigarettes que chacun peut ramener en France. Elle était auparavant de dix cartouches, elle n’est plus que de quatre. Au-delà, vous risquez une amende et même des poursuites pénales pouvant aller jusqu’à la confiscation du véhicule ou l’emprisonnement » précise Julien Morel d’Arleux, directeur de l’Observatoire français des drogues et toxicomanies (OFDT), qui vient de faire paraître une étude sur le tabac.

•• Les buralistes réclament désormais un gel de la fiscalité sur le tabac pendant deux ans. Mais le gouvernement ne compte pas s’arrêter là. Il a d’ores et déjà programmé une nouvelle hausse en novembre prochain, pour faire passer les derniers paquets à 10 euros. À l’image du professeur Bertrand Dautzenberg, les tabacologues plaident pour un paquet à 15 euros à l’horizon 2025 !

•• L’État a d’autant plus intérêt à suivre cette ligne qu’il n’y perd pas un sou ! Mieux, il en gagne : la baisse des ventes en volume est largement neutralisée par la hausse des taxes. Depuis le lancement de cette vigoureuse politique antitabac en 2017, les « droits de consommation sur le tabac » ont bondi. Les recettes pour les caisses publiques sont passées de 11,6 milliards d’euros en 2017 à 12,6 milliards d’euros en 2019, selon les derniers chiffres du ministère des Comptes publics. L’essentiel est directement reversé au budget de la Sécurité sociale.

Le tabac rapporte donc beaucoup, d’autant qu’il y a aussi la TVA (à 16,7 % sur le tabac) : rien qu’en 2019, elle a dégagé plus de 3 milliards d’euros pour l’État. Bilan global des recettes fiscales : près de 15,8 milliards d’euros. Soit une fois et demie le budget du ministère de la Culture !

•• Interview de Bertrand Dautzenberg. « Des études scientifiques de l’Organisation mondiale de la santé ont démontré qu’une hausse de 10 % entraînait une baisse de 4 % de la consommation. Mais pour que cela marche, il faut des hausses significatives. Dix euros, cela va marquer les esprits, c’est très une bonne chose.

Le Parisien : Mais cette hausse pénalise surtout les personnes à faibles revenus …

B.D. « Cette question nous préoccupe, nous en avons conscience. Mais on ne peut pas se passer de ce levier. Ce qui est important à nos yeux est que cette hausse soit compensée, d’une façon ou d’une autre. C’est pourquoi il est satisfaisant que, dorénavant, les produits d’aides à l’arrêt (les patchs notamment) soient remboursés à un taux de 65 %, et non plus à 35 %. Cela permet à tout le monde, et donc aussi aux plus modestes, de moins dépenser pour arrêter de fumer.

Le Parisien : Pensez-vous que le nombre de fumeurs va continuer à diminuer ?

• B.D. : « Oui. Il est indéniable que l’image du tabac est devenue ringarde dans une bonne partie de la population, notamment chez les plus jeunes. Le paquet neutre, avec les visuels terribles qui montrent les vrais dégâts du tabagisme sur le corps, a joué un rôle décisif. Les marques n’ont plus le droit de donner une image positive de leur produit. La cigarette a été dénormalisée. A une autre époque, les ados croyaient que les cigarettes leur donnaient l’allure d’un cow-boy, et les filles pensaient qu’elles ressemblaient, en fumant, à des stars de cinéma. Plus personne n’adhère à ces fadaises. Cela contribue à une diminution des fumeurs.

Réaction de Jeanne Pollès (Présidente Philip Morris France)

• Cette nouvelle hausse des prix vous paraît-elle justifiée ? « Ces augmentations sont faites pour de bonnes raisons de santé publique. Mais on peut se demander si elles ont un réel impact. Selon moi, elles sont trop fortes et trop récurrentes. Elles heurtent le pouvoir d’achat de ces fumeurs qui continueraient de fumer coûte que coûte. La preuve : il reste 11,5 millions de fumeurs en France. »

• Malgré tout, depuis trois ans, leur nombre décline : « C’est vrai et c’est très bien. Mais aussi lié aux alternatives comme le vapotage ou le tabac chauffé. Depuis dix ans, nous avons investi 6,5 milliards d’euros en recherche et développement. Dans ces nouveaux produits, car nous sommes conscients de la dangerosité des cigarettes. »

• Ne faut-il pas les faire renoncer au tabac tout court : « Le Gouvernement dit à ces gens d’arrêter de fumer. Mais comment aide-t-on ceux qui n’y arrivent pas ? Notre discours est clair : il n’existe pas de produits zéro risque. Mais, le vapotage ou le tabac chauffé peuvent être des solutions. »

• On manque tout de même de recul sur ces produits : « J’entends bien l’argument du principe de précaution. Mais de plus en plus d’études scientifiques indépendantes prennent position en faveur des ces produits moins nocifs. »

• Concrètement que demandez-vous  ? : « La loi Évin est dépassée. Si on nous autorisait à communiquer sur ces nouveaux dispositifs, par exemple sous la forme d’une petite publicité sur les paquets de cigarettes, ce serait un bon début. »