Dans la ligne de mire du Gouvernement, à la recherche du moindre centime : l’astuce fiscale mise en place par SFR et Bouygues Telecom pour réduire la TVA applicable aux forfaits facturés à leurs clients, à travers leurs « offres kiosque ».
Le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, « conscient des abus » des opérateurs, réfléchirait à un dispositif permettant d’encadrer la pratique qui pourrait intervenir dès le prochain projet de loi de finances, à la rentrée.
De quoi s’agit-t-il ? En tout cas, on va vite comprendre que l’intérêt des opérateurs de téléphonie pour la presse n’a rien voir avec le souci de répondre aux besoins des lecteurs. Encore moins d’aider la diffusion des titres.
•• La pratique, pointée du doigt par le Gouvernement, est liée aux services tels que SFR Presse ou LeKiosk – intégrés dans les abonnements télécoms des opérateurs – et qui permettent à leurs clients de lire de nombreux journaux de manière illimitée.
•• Or, la presse est assujettie à une TVA de 2,1 %, contre 10 % pour la télévision et 20 % pour le service de téléphonie lui-même. Une fois leur kiosque mis en place, les opérateurs concernés appliquent donc un taux de TVA de 2,1 % sur une partie du forfait, contre 10 % ou 20 % précédemment.
Selon les estimations, cela permet à SFR d’économiser 400 millions d’euros par an, plusieurs centaines de millions d’euros également pour Bouygues. Si les montants sont si élevés, c’est que SFR et Bouygues Telecom appliquent cette TVA à l’ensemble de leurs clients ayant droit au kiosque. Peu importe que ces derniers l’utilisent ou pas.
•• Afin de faire correspondre l’économie de TVA à la consommation réelle des abonnés, le Gouvernement planche sur une solution consistant à limiter l’application du taux de 2,1 % aux sommes versées aux journaux par les opérateurs, en échange du droit d’embarquer leurs contenus.
•• Le développement de cette pratique de contournement fiscal a fini … par alarmer certains acteurs du secteur. Le Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (Spiil) a dénoncé, dans un communiqué, du 12 juillet, un « hold-up fiscal » : selon lui, « si les quatre opérateurs télécoms adoptaient la pratique, le coût pour l’État passerait de 170 millions d’euros en 2015 à 1,2 milliard en 2018 ».
Culture Presse (ex-UNDP) a condamné le tour de passe-passe et une démarche qui présente « la presse comme un complément d’une offre commerciale qui n’a rien à voir ».
Les éditeurs indépendants pointent du doigt, notamment, les effets pervers de ces kiosques illimités, et notamment les « conditions d’accès et de rémunérations proposées aux médias. « Il est ainsi impossible de savoir si Altice [maison-mère de SFR] favorise certains médias, soit qui lui appartiennent, soit qu’il juge indispensable », explique le Spiil, qui voit là un risque de « distorsion de concurrence ».
•• Indexer la TVA sur le chiffre d’affaires réel, encaissé par les journaux dans ces kiosques, aurait donc l’avantage de contraindre les opérateurs à plus de transparence … voire de les inciter à augmenter la redevance versée à la presse.