Plutôt cash, l’interview que vient de livrer au magazine belge Trends-Tendances Eddy Pirard (CEO de Japan Tobacco International / voir Lmdt du 30 novembre 2016). Extraits.
•• Sur le fait de travailler pour l’industrie du tabac
« Pourquoi les gens fument-t-ils au fond ? Le paquet indique pourtant clairement que le tabac tue. La nicotine provoque une assuétude (accoutumance : ndlr), on le sait.
Mais que cela plaise ou non, une grande partie de la population aime fumer. Certaines personnes le font pour des raisons sociales, parce que ça les détend. C’est un moment d’évasion, un moment pour soi. Les fumeurs aiment le goût du tabac. Ce n’est pas moi qui le dis mais des recherches.
« Je ne fume plus, c’est vrai. La décision appartient aux consommateurs. Le secteur doit aussi parler des risques du tabagisme, ce qu’il n’a pas toujours fait dans le passé. »
« Depuis plusieurs années déjà, on nous range (nous JTI / ndlr) parmi les meilleurs employeurs, à cause de notre croissance (…) Ce n’est pas que le nombre de fumeurs augmente, mais nous gagnons des parts de marché (…)
« Au début, mes amis et mes connaissances me posaient des questions parfois provocantes : « Eddy, tu as tant de possibilités de carrière : pourquoi le tabac ? » Je répondais que je ne travaillais pas pour le secteur du tabac, mais pour JTI. »
•• Sur la culture d’entreprise de JTI
« Certes, c’est aussi une grande entreprise, mais on peut mettre les choses en mouvement. Avec des travailleurs qui n’avaient jamais pensé travailler un jour pour l’industrie du tabac et qui se voient offrir d’énormes possibilités (…)
« Vouloir s’améliorer en permanence, voilà qui est typiquement japonais. Une notion résumée dans le terme Kaizen (nom d’une méthode de gestion de la qualité / ndlr) : on peut toujours faire mieux. C’est l’importance attachée à la qualité, à une étroite collaboration, à la stratégie à long terme.
« Dans le même temps, Japan Tobacco n’est pas très japonais. Nos managers japonais se concentrent sur le marché national (…) La division internationale a été séparée de la maison mère japonaise. »
•• Sur l’ambition de devenir leader mondial
« Si quelqu’un avait affirmé, en 1999, que nous brasserions aujourd’hui un chiffre d’affaires international de plus de 11 milliards de dollars, on l’aurait traité de fou. Et pourtant, nous y sommes. Cette ambition de devenir le leader mondial nous met tous en mouvement. Je sens que nos collaborateurs ont faim de croissance. L’immobilisme n’est pas du tout une option, d’autant que l’industrie du tabac connaît un recul structurel. »
•• Sur les produits de nouvelle génération (vapotage, tabac à chauffer …)
« Sur ce marché, nous nous sommes réveillés trop tard, en effet. En plus, Philip Morris a lancé cette nouvelle gamme au Japon, notre territoire. A peine trois ans plus tard, ils avaient conquis un cinquième du marché. Un coup dur, alors que nous sommes actifs sur ce segment depuis déjà 10 ans.
« Nous allons investir 2 milliards de dollars jusqu’en 2020 dans cet énorme secteur de croissance. Toutefois, le segment en est encore à ses balbutiements. Soyons honnêtes : aucun produit de substitution n’a aussi bon goût qu’une vraie cigarette. On n’a pas encore trouvé la bonne formule susceptible de contenter tout le monde. »
•• Sur le marché chinois
« Un marché gigantesque. On nous attribue un quota chaque année. Nous pourrions y vendre beaucoup plus. Notre marque Melvius part comme des petits pains. On spécule depuis 20 ans sur la suppression du monopole, mais on ne voit rien venir. Pourtant, les producteurs chinois de tabac partagent nos ambitions. Il cherche aussi à écouler leurs marques à l’étranger. Nous avons d’ailleurs des accords de distribution avec eux dans plusieurs pays. »