À quelques jours de la fermeture définitive du dernier laboratoire de l’Institut du tabac de Bergerac (Dordogne), Sud-Ouest retrace les grands moments de cette institution (voir 17 mai 2022 1 et 2).
L’histoire de l’Institut du tabac commence en 1923, lors de la présentation du « Rapport Citroën » au gouvernement français. Il constate le retard pris par l’industrie du tabac (à l’époque monopole d’État) par rapport aux concurrents internationaux. Décision est prise de créer un centre de recherche au cœur du Sud-Ouest, grande région de tabaculture. Ce sera à Bergerac, en Dordogne.
•• L’Institut du tabac de Bergerac (ITB) est officiellement créé en 1927. Le but : mener des recherches tous azimuts pour améliorer les techniques de production, les variétés, les résistances aux maladies et aux ravageurs…, et conserver ainsi une industrie compétitive. « L’idée était d’améliorer le tabac … de la graine à la fumée … » raconte son ancien directeur, René Delon, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet.
•• Pendant des décennies, les équipes de l’institut mènent des activités de recherche et de production. Jusque dans les années 1980, une vraie ferme de 90 hectares en polyculture-élevage y est entretenue. Le fumier d’un troupeau de vaches laitières et d’autres animaux permet notamment d’amender les cultures de tabac.
Dans les années 1970, l’institut emploie une centaine de salariés permanents et de nombreux saisonniers.
En 2007, il occupe 40 000 mètres carrés avec 1 000 mètres carrés de laboratoires et 900 mètres carrés de serres. L’ITB est aussi un lieu d’échange de savoirs et une vitrine qui accueille, en 1955, le premier Congrès scientifique international du tabac, et inaugure en 1980 l’itinéraire touristique de la « Route du tabac ».
•• La fin du monopole de la Seita (Société nationale d’exploitation industrielle des tabacs et des allumettes) dans les années 1970, les fusions et rachats successifs contribuent au déclin de l’Institut du tabac. « Quand je suis devenu directeur, en 2000, nous n’étions plus que 38 », se souvient René Delon (voir 23 octobre 2014).
Peu à peu, les terrains de l’Institut du tabac sont vendus. L’institut est officiellement fermé en 2014. Le groupe britannique Imperial Tobacco, propriétaire de la Seita depuis 2008, ne conserve sur place qu’un laboratoire de génétique appliquée où travaillent cinq personnes. La fermeture de ce dernier est annoncée en septembre 2021, en même temps que 127 licenciements à la Seita.
Les trois techniciens ont officiellement quitté leur poste fin avril. Tous auraient retrouvé un emploi en Dordogne et dans leur secteur d’activité. Les deux docteurs en génétique appliquée, dont le directeur François Dorlhac de Borne, sont aussi sur le départ.
•• Reste à savoir ce qu’il adviendra de la collection de Nicotianées (espèces végétales d’origine). L’Institut du tabac avait en effet accumulé une collection de graines de plus de 1 100 espèces de Nicotianées, dont près de 800 de tabac. Un patrimoine unique en Europe et déclaré « collection nationale » par le Conservatoire des collections végétales spécialisées.
Contactée par Sud-Ouest, la Seita assure que « tout sera mis en œuvre pour pérenniser la collection », tout en précisant « qu’aucune décision n’a été » prise quant à son devenir. La collection est pour l’heure entretenue sur place par la société BSB.