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7 Avr 2019 | Observatoire
 

Pendant que les controverses sur les boutiques n’arrêtent pas de rebondir … de nombreux petits acteurs du cosmétique se ruent sur le créneau du CBD, alors que les géants historiques du secteur de la beauté restent attentistes, en raison du flou juridique entourant « cette molécule non psychoactive du cannabis ».

Enquête de l’AFP dans le cadre du salon In-Cosmetics, qui se tenait la semaine passée à Paris.

•• « La tendance du CBD en Amérique du Nord, c’est énorme », constate Romain Lemeunier, un responsable de la société suisse Givaudan (arômes, fragrances et actifs cosmétiques). « … Mais chez Givaudan on n’en fait pas. Nous avons pris une position extrêmement précautionneuse en raison des incertitudes juridiques et réglementaires ».

•• Les grandes marques mondiales de cosmétiques sont, pour l’instant, sur la même ligne. Pour ne pas être en reste nombre d’entre elles – de Kiehl’s (L’Oréal) à Origins (Estée Lauder) en passant par Murad (Unilever) – ont récemment lancé des produits de soins de la peau à base d’huile provenant de graines de chanvre, dont l’utilisation est plus largement autorisée.

•• Il est toutefois « probable » que tous les grands groupes du secteur passeront dans les cinq prochaines années au CBD, une fois que les réglementations seront clarifiées, estime le cabinet d’études Euromonitor.

Lequel vante le CBD comme « le nouveau super-héros des ingrédients de beauté » avec des vertus anti-oxydantes, anti-inflammatoires et relaxantes.

•• En attendant, ce filon émergent dans la beauté est exploité par de nouveaux entrants, qui annoncent partir en croisade contre les contradictions entre la réglementation européenne, ouverte au CBD, et les positions plus strictes de certains États. En France notamment, seules les fibres et les graines de chanvre peuvent être utilisées dans les produits cosmétiques, alors que la réglementation européenne permet d’exploiter toute la plante.

Or « c’est dans la fleur de chanvre que l’on trouve le plus de CBD », rappelle à l’AFP Laure Bouguen, fondatrice de Ho Karan, jeune société nantaise qui vient d’enrichir sa gamme de cosmétiques à base d’huile de chanvre. Extraire d’autres parties de la plante (que la fleur / ndlr) « est une ineptie économique et   écologique », dénonce-t-elle, contrainte en attendant de se fournir ainsi en CBD ailleurs en Europe.

•• Même combat pour Fyllde, toute jeune société néerlandaise qui a démarré la vente en ligne de ses huiles et baumes contenant un CBD extrait de fibres et graines de chanvre bio cultivé en Slovénie par un laboratoire autrichien, pour un résultat « quasi pur » sans THC, déclare à l’AFP son fondateur français, Reynald Fasciaux, un ancien cadre d’Uber.

•• Il est aussi possible de produire artificiellement du CBD sans THC par chimie de synthèse.

Mais cela ne colle guère avec la tendance de la cosmétique naturelle, et « le coût de la matière organique coûte dix fois moins cher », explique Olivier Chauve, président de Spectrums Europe, une société parisienne d’importation de CBD organique américain.

« Le principal problème pour le CBD en France, c’est que le Gouvernement veut 0 % de THC dans les produits finis. Mais le zéro absolu, ça n’existe pas », peste l’entrepreneur, garantissant livrer quant à lui un CBD contenant « moins de 0,01% de THC ».

•• Paradoxalement, tout en réclamant à l’unisson la « dédiabolisation » du chanvre, les acteurs du secteur profitent aussi du parfum d’interdit … Le boom des produits de beauté « au cannabis », ces dernières années, « semble aussi dans certaines situations avoir été provoqué par leur nature controversée », note Euromonitor.

Romain Lemeunier, de Givaudan, se montre philosophe : « le CBD, c’est du marketing. Cela plaît parce que les consommateurs se disent : « si c’était interdit, c’était parce que c’était trop puissant ». C’est juste une belle histoire ».