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19 Fév 2019 | Observatoire
 

Les professionnels du chanvre regrettent une législation française trop complexe sur le cannabis, ce qui freine selon eux le développement de la filière au moment où le Parlement européen vient de voter une résolution en faveur du cannabis thérapeutique (voir Lmdt du 18 février).

« En France, la loi n’est pas claire, on est dans un flou juridique qui freine l’industrie du chanvre », explique Aurélien Delecroix, président du syndicat professionnel du chanvre de bien-être (SPCBE), qui assistait avec quelque 500 acteurs du secteur au congrès Cannabis Europa organisé début février à Paris, rapporte l’AFP sous la plume de Valentine Graveleau.

M. Delecroix prône la légalisation du cannabis thérapeutique, pour apaiser les douleurs des malades, et du cannabis « bien-être », utilisé en automédication, dans l’alimentation et les cosmétiques notamment.

•• La loi française ne fait pas la distinction entre le chanvre « récréatif » qui contient beaucoup de tétrahydrocannabinol (le THC, une substance psychotrope et illégale), le chanvre à usage « bien-être », et le chanvre thérapeutique, qui ne contiennent eux quasiment que du cannabidiol (CBD), une molécule aux propriétés apaisantes, non stupéfiante, et légale.

En France, troisième producteur mondial de chanvre derrière la Chine et le Canada, l’utilisation industrielle et commerciale de la plante est très réglementée. Seules la fibre et les graines peuvent être utilisées – pas la fleur, riche en CBD -, et la plante doit contenir moins de 0,2 % de THC.

« On utilise les fibres de la tige dans l’automobile, dans l’éco-construction, mais on jette la fleur et la feuille, alors que le CBD pourrait être valorisé », regrette M. Delecroix.

•• La réglementation européenne autorise la commercialisation du chanvre en utilisant la plante entière.

•• Le 23 octobre 2018, la cour d’appel d’Aix-en-Provence, qui devait statuer sur le sort de KanaVape, pionnière de la cigarette électronique au chanvre, a saisi la Cour de justice européenne pour avis, estimant que la réglementation française pouvait ne pas être compatible avec celle de l’UE (voir Lmdt du 24 octobre 2018).

••  « Cette situation est pleine d’hypocrisie », remarque Laure Bouguen. Son entreprise, Ho Karan, produit des cosmétiques à base d’huile de chanvre.

•• « On touche les limites du ridicule. Le CBD, c’est une opportunité pour l’agriculture française », répète Jean-Baptiste Moreau, député (LREM) de la Creuse misant sur la légalisation du cannabis thérapeutique et de « bien-être » pour redynamiser son département (voir Lmdt du 9 juillet 2018).

« Un hectare de chanvre absorbe autant de CO2 qu’un hectare de forêt et peut apporter jusqu’à 2.500 euros de rendements aux paysans, contre 300 euros pour un hectare de blé », développait-il dans une tribune au Journal du Dimanche début décembre.

En se basant sur les effets de la légalisation du chanvre « bien-être » en Suisse, le SPCBE estime que la filière pourrait « représenter jusqu’à 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires en France d’ici quelques années ». « Il faut une harmonisation européenne, mais il faut d’abord qu’on clarifie la situation en France », ajoute Jean-Baptiste Moreau. Si, selon lui, « les mentalités progressent », la première étape reste avant tout la légalisation du cannabis thérapeutique.

Au total, 21 pays de l’Union européenne autorisent déjà le cannabis à usage thérapeutique, mais pas la France.

Les patients français voulant recourir au cannabis thérapeutique pour se soulager sont jusqu’à présent contraints de se fournir sur le marché illégal ou d’aller à l’étranger.

•• En décembre, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a toutefois souhaité qu’une expérimentation du cannabis thérapeutique en France puisse être mise en place avant fin 2019 (voir Lmdt des 13 et 14 décembre 2018).

Et le 13 février, le Parlement européen a voté une résolution sur la légalisation de cannabis thérapeutique. Guillaume Balas, député européen (Génération.s), co-rapporteur de la proposition de résolution, souhaite que ce vote soit un déclencheur. « J’espère que la Commission va se saisir de la question pour qu’une législation européenne existe », explique-t-il à l’AFP.

« Le cannabis thérapeutique, on sait que ça va soulager des symptômes qu’on n’arriverait pas à soulager autrement. Bien encadré, il n’y a pas de raison de bloquer », explique le professeur Nicolas Authier, du service de pharmacologie médicale du CHU de Clermont-Ferrand.

M. Authier émet toutefois un peu plus de réserves sur une légalisation du cannabis « bien-être ». « Il faut rester prudent, le CBD n’est pas une molécule anodine. Si les gens y trouvent un mieux-être, pourquoi pas, mais c’est avant tout un business, ses vertus sont très peu démontrées».