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16 Juin 2020 | Vapotage
 

Il s’agit d’une tribune, parue dans la presse, qui a trouvé un certain écho en Belgique où l’on s’apprête à prendre de nouvelles dispositions peu avantageuses pour les produits du vapotage (voir 9 février). Son auteur, Franck Baeyens, est professeur de psychologie à l’Université de Louvain.

Nous reproduisons son texte qui interpelle les autorités belges et établit les bases d’un argumentaire solide en faveur du principe du « Tobacco Harm Reduction » (THR). Soit la mise en place d’une stratégie efficace parce que réaliste.

« Depuis plusieurs années déjà, le nombre de fumeurs ne semble guère diminuer en Belgique. La politique anti-tabac menée actuellement ne semble pas non plus accélérer la tendance. Or, s’il veut réellement faire chuter le nombre de fumeurs rapidement, le gouvernement belge va devoir oser miser sur une stratégie élargie de la consommation des produits de tabac et de nicotine. Décourager les fumeurs ne suffit pas car les plus invétérés d’entre eux s’en moquent éperdument.

« Pour les faire changer d’avis, le gouvernement doit oser promouvoir activement des alternatives attrayantes, moins nocives pour la santé, voire même promouvoir la cigarette électronique. Maintenir un cordon sanitaire autour de la consommation de nicotine, quelle qu’en soit la forme, ne fera pas progresser la santé publique.

« Tout le monde sait que fumer nuit à la santé. Tout le monde sait aussi qu’il est très difficile de perdre cette habitude, notamment en raison des effets de dépendance provoqués par la nicotine. Il existe une multitude de méthodes pour arrêter de fumer. Cependant le nouveau principe du « Tobacco Harm Reduction » (THR) est une stratégie souvent fructueuse. Ce principe consiste à encourager les fumeurs à remplacer leur cigarette par des produits de nicotine qui présentent un risque prouvé faible pour la santé, comme la cigarette électronique, les patchs de nicotine ou les substituts nicotiniques.

« La méthode a pour objectif de réduire significativement et rapidement le risque lié aux effets les plus nocifs du tabagisme (comme le cancer, les maladies cardiovasculaires, les maladies pulmonaires et les dommages psychologiques causés par la stigmatisation ou la discrimination). Le reste a moins d’importance. Le fait que les gens continuent à consommer de la nicotine est certes beaucoup moins préoccupant puisque celle-ci est beaucoup moins nocive en soi. 

•• « Pour que le principe du THR se généralise, il faut que les personnes qui souhaitent arrêter de fumer puissent se fier à la sécurité des produits de nicotine alternatifs et qu’elles considèrent ces produits comme des alternatives attrayantes. Il est par conséquent essentiel de pouvoir communiquer des informations justes et correctes sur les avantages et les risques relatifs associés à ces produits. Il est en outre primordial d’avoir une politique qui se fonde sur les différences factuelles des risques et qui les reflète. Enfin, il revient aux fumeurs ainsi informés de peser le pour et le contre et d’opter, s’ils le souhaitent, pour ces produits alternatifs.

•• « Actuellement, la politique menée par la Belgique est relativement opposée au principe du THR. Le législateur belge considère les cigarettes électroniques et autres alternatives moins nocives comme « similaires aux produits du tabac » et les a soumises aux mêmes restrictions strictes, notamment en matière de publicité. Les récents projets de loi vont aussi dans ce sens puisqu’ils veulent l’instauration d’un emballage neutre pour les produits de vapotage ainsi qu’un étiquetage spécifique mettant en garde contre leurs risques potentiels et ils veulent limiter significativement les arômes autorisés, voire interdire complètement tous les arômes pour n’autoriser que le seul goût du tabac.

•• « Néanmoins, mettre les produits du tabac et les alternatives moins nocives sur un même pied d’égalité juridique et politique n’est absolument pas une bonne chose. D’une part, cela renforce la fausse impression que ces deux produits sont aussi nocifs l’un que l’autre. Dès lors, pourquoi les fumeurs opteraient-ils pour la cigarette électronique si elle est aussi nocive que la cigarette traditionnelle ou si elle n’a aucun effet positif sur leur santé ? D’autre part, ce type de politique restrictive ne permet pas d’inciter les fumeurs à se tourner vers la cigarette électronique. Il est impossible de les informer sur les aspects positifs pour la santé par le biais de la publicité, le produit est rendu moins attrayant — du moins selon les projets de certains — à cause de l’interdiction des arômes et des emballages attrayants, les vapoteurs peuvent uniquement vapoter aux endroits prévus à cet effet, et aucun produit ne peut être acheté sur l’internet. Conséquence prévisible : les fumeurs continuent à fumer, avec tous les effets négatifs que cela entraîne pour leur santé.

•• « Une stratégie THR vise à convaincre les fumeurs qui n’ont pas réussi à arrêter, ou qui ne souhaitent pas arrêter en optant pour n’importe quel type de produit de nicotine, de vapoter plutôt que de fumer. Nombreux sont ceux qui craignent que la vente libre de cigarettes électroniques aux arômes divers attire une multitude de jeunes non-fumeurs qui deviendraient dépendants et qui pourraient ensuite opter pour la cigarette traditionnelle. Il n’existe pourtant aucune indication allant dans ce sens, ni en Belgique ni dans les pays voisins, et, contrairement aux affirmations de certains, ce n’est pas le cas non plus aux États-Unis. Bon nombre de jeunes tentent le vapotage une ou quelques fois mais peu d’entre eux décident de vapoter quotidiennement. Et si, par malheur, certains continuent, c’est généralement parce qu’ils fumaient déjà ou avaient déjà fumé auparavant.

•• « Il faut aussi oser se poser la question suivante : est-ce si dramatique que les jeunes commencent à vapoter ou continuent de le faire si le nombre de jeunes fumeurs recule considérablement ? Dans les pays où le vapotage est en hausse, nous constatons une accélération du recul significatif du nombre de jeunes qui fument.

•• « Enfin, il serait présomptueux d’affirmer qu’une personne s’est mise à fumer après avoir commencé à vapoter parce que la cigarette électronique l’a poussée vers les produits de tabac traditionnels. Mais, il est vrai que les personnes attirées par le vapotage seront plus vite enclines à se tourner vers la cigarette traditionnelle, qu’elles aient déjà vapoté ou non.

•• « Les décideurs politiques qui veulent associer les produits de nicotine à faible risque à la législation sur le tabac font de la prévention pour un problème hypothétique ou virtuel. En soi, ce ne serait pas si grave si cela ne nuisait pas à la recherche d’une solution à un vrai gros problème : la faible régression du pourcentage de +/- 20 % de fumeurs belges et du milliard de fumeurs à l’échelle mondiale. J’espère par conséquent qu’à l’avenir, la Commission Santé s’attellera à l’élaboration d’une législation qui offrira une place de choix au principe du THR dans la stratégie de découragement du tabagisme. Les méthodes et les stratégies du « contrôle classique du tabagisme » sont utiles, mais leurs effets sont hélas pour de nombreux fumeurs trop faibles et trop tardifs. »