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18 Oct 2017 | Profession
 

Tard hier soir, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale a adopté l’article 12 du Projet de Loi de Financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2018) permettant de faire passer le paquet de cigarettes à 10 euros en trois ans (voir Lmdt des 29 septembre et 17 octobre).

Voici des extraits du débat où :

•• on remarquera qu’on a beaucoup parlé des buralistes ;

•• on note que la majorité parlementaire soutient le Gouvernement sur le sujet, sans réserve ; et que la France Insoumise plaide pour le paquet à 10 euros en une fois ;

•• on relève que le rapporteur Olivier Véran parle favorablement de la cigarette électronique.

JOSIANE CORNELOUP (LR, Saône-et-Loire) : « Le tabac n’est pas un produit comme les autres (…) La baisse du tabagisme, en particulier chez les jeunes est un objectif de santé publique majeur. Il y a consensus sur cela. Pour autant, nous arrivons à un tournant. Alors que notre pays pratique des prix très sensiblement supérieurs à ceux des pays voisins, limitrophes, un marché parallèle très important s’est développé pour environ 27 % des ventes. Il rend de moins en moins opérantes les mesures que nous pouvons prendre sur notre territoire pour lutter contre le tabagisme.

La nouvelle hausse proposée, comme le paquet neutre en son temps, n’aura vraisemblablement pas d’impact, ou très peu, sur la consommation du tabac. La priorité absolue si l’on veut retrouver de l’efficacité, c’est de lutter réellement contre le trafic parallèle.

Pour cela, comme le rappelle Éric Woerth, président de la commission des Finances, la seule façon de lutter contre le marché parallèle, c’est la traçabilité. Il suffit de mettre en application la convention de l’OMS. C’est la raison pour laquelle il est proposé de supprimer cet article. »

ISABELLE VALENTIN (LR, Haute-Loire) : « (…) Ces derniers temps, la profession de buraliste a trop souvent été attaquée par des mesures défavorables à leur activité : paquet neutre, augmentation des prix. (…) Ces mesures coûtent chères et n’ont jamais démontré leur efficacité. Le marché parallèle qui représente aujourd’hui 30 % des ventes soit 250 millions d’euros de manque à gagner pour nos buralistes et pour l’État et augmentent considérablement les prix des assurances.

Or, les buralistes constituent notre tissu économique de proximité. Ils sont également, dans nos communes, les figures du lien social. Ils incarnent les valeurs de travail, de mérite et de l’esprit d’entreprise. Il faut donc les accompagner et non pas les stigmatiser. Je vous propose des mesures concrètes pour lutter contre le tabagisme sans mettre en péril l’activité de nos buralistes : un grand plan de prévention. Une harmonisation européenne des prix est également essentielle.

Enfin, il faut une intensification des contrôles des ventes parallèles. Ces mesures iront dans le bon sens. Elles permettront à l’État de récupérer le manque à gagner important, à nos buralistes qui souhaitent vivre de leur métier, et à nos concitoyens de prendre conscience des méfaits du tabac. »

 OLIVIER VÉRAN (REM, Isère), rapporteur général de la commission des Affaires sociales :

« L’augmentation du prix des cigarettes à dix euros en trois ans est un engagement présidentiel, un engagement courageux également de la ministre de la Santé Agnès Buzyn. C’est la plus forte augmentation du prix des cigarettes depuis que les cigarettes existent dans notre pays. C’est un engagement de santé publique majeure.

J’entends les craintes sur la contrebande, sur les objectifs de traçabilité. Je voudrais quand même vous dire qu’on ne sauve pas de vies en luttant contre la contrebande. On sauve des vies en luttant contre le tabagisme. On sauve des vies en augmentant le prix du paquet de tabac. Lorsqu’il y a eu une augmentation de 3,60 euros à 5 euros entre 2002 et 2004, 1,5 million de fumeurs ont arrêté de fumer… 1,5 million. Aujourd’hui, 200 personnes meurent chaque jour du tabac dans notre pays. C’est 73 000 morts directs du tabac par an dans notre pays. Sans compter les innombrables maladies vasculaires, les cancers, les artères bouchées … Le coût social, le coût humain est monstrueux. Personne ne peut le nier aujourd’hui.

Alors vous avez raison de dire qu’il faut qu’on travaille sur une harmonisation des prix au niveau européen. Vous avez raison de dire qu’il faut lutter efficacement contre la contrebande. D’ailleurs il y a des dispositions qui vont être mises en place par le Gouvernement : création de 200 postes supplémentaires dans l’administration des douanes.

Vous avez raison de dire qu’il faut améliorer la traçabilité du tabac. Ce sera le cas avec un nouveau cadre de traçabilité qui sera opérationnel dès 2019. Vous avez raison de dire qu’il faut davantage coordonner nos actions avec nos voisins européens grâce à des actions de coordination avec les parquets. Vous avez raison de dire qu’il faut un plan de prévention : 100 millions d’euros de plus en 2018 avec un Fond de prévention, il y a le mois sans tabac qui va démarrer au 1er novembre (…)

Considérant les enjeux de santé publique, considérant le taux de tabagisme si important dans notre pays, je vous demande de retirer cet amendement de suppression de l’augmentation du paquet. Travaillons pour qu’on puisse assortir cette augmentation du prix du paquet à des mesures efficaces pleinement opérationnelles y-compris d’ailleurs pour les buralistes que j’ai reçu dans cette pièce dans le cadre des auditions parlementaires pour discuter avec eux des reconversions professionnelles (voir Lmdt du 12 octobre).

Dire qu’il faut aider les buralistes et lutter contre le tabagisme c’est une ambivalence. L’objectif c’est d’accompagner les buralistes vers d’autres commerces de proximité. On en a besoin. Vous avez raison de souligner qu’ils ont un rôle essentiel dans la proximité, au cœur des villages, au cœur des villes, mais c’est un modèle qui doit évoluer. Car par principe, la puissance publique, l’État se donnera les moyens de son action. Car demain il ne doit plus y avoir d’enfants qui fument, d’adultes qui fument, de personnes qui meurent des conséquences. Il faut qu’on travaille de concert là-dessus.»

ISABELLE VALENTIN : « Nous maintenons nos amendements car il faut de la prévention et ça n’est en mettant le paquet de cigarettes à dix euros qu’on va dissuader les gens de fumer. Ils commandent sur Internet et on développe le marché parallèle. Sinon pour le reste, on est d’accord avec vous. »

THOMAS MESNIER (REM, Charente) : « Bien sûr le groupe majoritaire va rejeter cet amendement, car au-delà d’être une mesure forte, c’est la première mesure de prévention dans ce PLFSS. Depuis dix ans, les augmentations faibles et successives n’ont eu aucun effet majeur sur la diminution du nombre de consommateurs. Comme vous l’avez dit, le tabac c’est 14 milliards de coût pour la société, c’est 200 morts chaque jour (…)

Certes, l’augmentation est majeure, mais c’est un calendrier qui permet à chacun de se mettre dans la perspective de l’arrêt. Je pense que c’est une mesure essentielle de santé publique. Bien entendu nous soutenons les actions menées pour lutter contre la contrebande, limiter les achats transfrontaliers et surtout soutenir les buralistes pour les accompagner dans une reconversion. »

PIERRE DHARÉVILLE (PCF, Bouches-du-Rhône) : « (…) Je considère que cette mesure va frapper inégalement la population de notre pays. Donc, les populations les plus défavorisées vont être les plus frappées. Je partage ce que vous avez dit sur l’enjeu de santé publique. Je me demande si une telle mesure, avec autant d’iniquité, n’est pas problématique. »

LAURENT PIETRASZEWSKI (REM, Nord) : « C’est de notre responsabilité politique de prendre toutes nos responsabilités. Nous devons utiliser tous les leviers les plus performants, les plus efficaces contre ce fléau. Il a été démontré que le prix est l’élément essentiel pour permettre la baisse de la consommation. Il faut continuer. »

CAROLINE FIAT (FI, Meurthe-et-Moselle) : « Nous avions proposé un amendement qui n’est pas là. On est tous d’accord c’est un fléau. Il faut d’abord aider ceux qui souhaitent arrêter de fumer. Remboursons les substituts nicotiniques et augmentons en une fois le prix du paquet de cigarettes. »

OLIVIER VÉRAN : « Le coût social du tabac, dans sa globalité, est estimé à 122 milliards. Il faut sortir du discours sur les recettes fiscales du tabac (…) Il y a tout un débat aussi sur les nouveaux moyens de consommer de la nicotine : cigarette électronique. Elle permet à un grand nombre de personnes d’arrêter le tabac. Nous devons travailler sur ces questions en parallèle, mais adoptons cette augmentation. »