Libération (édition du 14 octobre) vient de consacrer un gros dossier de cinq pages sur l’e-cigarette dans l’environnement de la polémique née aux États-Unis sur de mauvais usages de la vape (voir Lmdt des 11, 5 et 4 octobre). Extraits.
•• « À Vapexpo, on craint le coup de tabac en France ».
• Pour Patrick Bédué, fondateur du salon de Vapexpo, cette douzième édition serait un succès. Quelque 10 000 visiteurs auraient répondu présents sur les 8 000 mètres carrés d’exposition et sur des stands réservés depuis longtemps. Il estime que ce rendez-vous a été l’occasion de rassurer tout le monde : « à chaque Vapexpo sa polémique. Il y a trois ans, un article mentionnait l’explosion d’une batterie de vapoteuse dans la poche d’une utilisatrice. L’information était vieille de quatre mois … ».
• Mais selon plusieurs distributeurs rencontrés sur le salon par Libération, les conséquences du scandale des e-liquides « frelatés » américains commencent à se faire sentir. Pour Charly Pairaud, codirigeant de l’entreprise Vincent dans les vapes (VDLV / voir Lmdt du 29 septembre), « les distributeurs français ressentent une baisse de 25 % à 30 % des commandes. »
Cette baisse concerne essentiellement les petits équipements dits « kits simples », destinés aux débutants. « La mauvaise presse et la désinformation ont des conséquences sur la santé publique » assure-t-il, « sur les trois dernières années, l’augmentation des vapoteurs est liée à la baisse de consommation des fumeurs, elle n’a rien à voir avec le paquet neutre. Les résultats du mois sans tabac seront sûrement catastrophiques. »
•• « Rester vigilant est la moindre des choses » explique Benoît Vallet, Directeur général de la Santé sous Marisol Touraine. Aujourd’hui magistrat à la Cour des Comptes, il reste un des meilleurs et plus indépendants de ce dossier, selon Libération.
Refusant le terme d’hystérie, il estime que « cette séquence suscite une méfiance et une inquiétude dans les milieux sanitaires et au sein même des vapoteurs. Le vapotage est une pratique récente, elle a dix ans, ce qui ne permet pas un recul extraordinaire. Rappelons qu’il faut en moyenne quinze à vingt ans pour déclencher un cancer et autour de cinq à dix ans pour une maladie cardiaque. Rester vigilant est la moindre des choses ».
Le vapotage est aujourd’hui la meilleure façon de sortir du tabagisme : « c’est une méthode fortement utilisée car elle repose sur une dynamique comportementale proche du fait de fumer (…) Et les chiffres parlent d’eux-mêmes : on a dénombré une baisse de plus de 100 000 fumeurs grâce au vapotage ».
•• « En vapotant, les ados inhalent des drogues de synthèse dangereuses », alerte Joëlle Micallef, présidente de l’Association française des Centres d’Addictovigilance. En 2015, un centre a identifié un premier cas hospitalisé après avoir consommé une drogue de synthèse par vapotage. Depuis une centaine de cas de troubles psychiatriques ou cardiaques ont été recensés à travers la France.
« Les adolescents dont on parle ici ne vapotent pas pour arrêter de fumer » précise-t-elle, « le phénomène émergent est celui de l’achat d’e-liquide sur internet ou auprès des vendeurs de rue. Leur intention est souvent de vapoter un produit dérivé du cannabis. Sauf qu’en pratique, ils se trouvent à inhaler des drogues comme des cannabinoïdes de synthèse dont l’effet est 200 fois plus puissant que le THC ».
« Il faut informer sur cette pratique qui a été clairement identifiée en France par les pharmacologues du réseau français d’addictovigilance. C’est le sens de l’alerte que nous fait remonter à l’ANSM depuis plusieurs mois et conduit à la mise en place, en mai 2019, d’’une enquête nationale sur le vapotage des e-liquides par les jeunes. »