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16 Mai 2018 | Trafic
 

Suite de l’enquête de Sud-Ouest consacrée à la contrebande de tabac en Nouvelle Aquitaine (voir Lmdt du 15 mai). Avec une interview de Hervé Natali, Expert Prévention et Actions contre les trafics de Seita (voir Lmdt du 11 avril).

Plus d’un quart des cigarettes consommés dans la région viennent d’Espagne et presque autant d’Europe de l’Est. Extraits.

• La France … paradis des trafiquants de tabac ?

« On y trouve, en effet, un peu de tout. Des cigarettes issues de la contrebande transfrontalière jusqu’aux contrefaçons de marques fabriquées dans des usines clandestines d’Europe de l’Est. Sans oublier le phénomène des marques blanches … Voilà pourquoi nous voyons toujours autant de fumeurs, alors même que la vente de tabac baisse chez les buralistes. »

• Une contrebande qui déborde largement des zones frontalières ? 

« Au dernier trimestre 2017, nous avons mandaté un institut indépendant pour ramasser des paquets vides et en contrôler l’origine dans 13 régions et 118 villes françaises. Résultat sans appel, puisqu’au moins 28 % des cigarettes ne sont pas issues du réseau officiel des buralistes. En Nouvelle-Aquitaine, c’est pire, puisque la région est la deuxième la plus touchée derrière Paca. »

• Des chiffres exagérés (selon pour le Comité national contre le Tabagisme / CNCT) ?

« Nous réclamons la création d’un observatoire piloté par l’État pour, en fin, mettre tout le monde d’accord, sans aucune contestation possible. Dans le Sud-Ouest, là où l’on pensait le phénomène très espagnol, notre enquête a révélé l’existence d’une puissante filière d’Europe centrale. Avec 23 % des paquets contrôlés originaires de Bulgarie, ce pays semble même arroser tout l’Hexagone, en s’appuyant vraisemblablement sur un réseau très organisé, capable de mobiliser des transporteurs routiers pour acheminer la marchandise en grosses quantités. »

• Réseaux structurés ou opportunistes « Monsieur Tout le Monde » ?

« Il est certain que les réseaux criminels s’intéressent toujours plus à ce trafic dont les bénéfices ne cessent de progresser au fil des augmentations de prix décidées par l’État (…) Mais il existe en effet un pan plus discret de cette contrebande, celui orchestré par des particuliers arrondissant leurs fins de mois en allant faire leur marché en Espagne ou en Belgique. Nous constatons d’ailleurs que les ventes digitales explosent, notamment sur Facebook, où les petits trafiquants créent des groupes pour organiser ensuite vente et livraison de leurs clients à domicile. Nous traquons ce genre de comptes pour les mettre systématiquement à la disposition des autorités. »

• Le faible investissement des autorités ? 

« Il est d’autant plus urgent de réagir que les mauvaises habitudes se prennent très rapidement. Le ministre Gérald Darmanin vient d’annoncer un plan d’augmentation des contrôles et de durcissement des peines encourues, mais il faut encore accélérer le mouvement. Pour l’heure, seul le trafiquant risque d’être inquiété. Pourquoi alors ne pas imaginer une verbalisation financière dissuasive pour le client, comme cela a été fait dans d’autres domaines ? ».