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8 Nov 2015 | Pression normative
 

Bertrand DautzenbergCo-signataire de « l’appel des 40 » en faveur du Plan national de Réduction du Tabagisme (voir Lmdt du 4 novembre), Bertrand Dautzenberg (pneumologue à la Pitié Salpêtrière et que l’on ne présente plus / voir Lmdt des 7 et 21 mai) prend la plume, seul cette fois, avec une tribune publiée sur le site de Libération, ce samedi 7 novembre. Placée sur le thème de la « liberté », il y défend un texte qui « renforce le contrôle et les contraintes sur ceux qui produisent et vendent le tabac (…) mais n’impose aucune contrainte aux fumeurs ».

Nous la reproduisons intégralement.

« Non, l’esclavage n’est pas une liberté pour l’esclave. Non, la vente de tabac aux adolescents, en utilisant toutes les ficelles du marketing, n’est pas une liberté pour ceux qui sont contaminés et souffriront à vie d’une maladie chronique récidivante décrite par l’OMS sous le nom de dépendance tabagique. Cette maladie, confirmée par les nouveaux outils d’imagerie médicale, est liée à la multiplication des récepteurs nicotiniques qui prendront le contrôle du fonctionnement du cerveau. Cette maladie conduit ses victimes à verser, jour après jour, 7 euros à leur buraliste pour accélérer le vieillissement de leur corps et creuser leur tombe : 200 morts par jour, 78 000 par an, une mortalité féminine liée au tabac augmentée de 650 % ces 15 dernières années !

« De nombreux documents de l’industrie du tabac prouve que la dépendance n’est pas un accident mais un objectif programmé. Ainsi un document de 1973, préparé pour le lancement d’une nouvelle marque de cigarette visant les moins de 21 ans, précise comment faire progresser les adolescents qualifiés de «pré-fumeurs» vers le statut d’«apprentis fumeurs» puis de «fumeurs» avec des stratégies différentes pour chacune des étapes de l’initiation, expliquant aux non-fumeurs que fumer est une liberté, s’attachant au packaging pour les apprentis fumeurs et au taux de nicotine pour les fumeurs.« Le tiers des Français, contaminés par la dépendance tabagique, voudrait en grande majorité arrêter de fumer, mais ils ont les plus grandes difficultés car ils ont perdu la liberté d’être non-fumeur. De plus ils sont enfoncés dans leur dépendance par de trop nombreux politiques soumis aux lobbies du tabac. La France se place selon le dernier Eurobaromètre 2015 en queue de l’union Européenne avec la Grèce, la Bulgarie et la Croatie qui ont, avec notre pays, le plus grand taux de fumeurs. Le récent vote du Sénat en fin d’été 2015 (voir Lmdt du 16 septembre) où plus de 90% des sénateurs n’ont pas soutenu le plan de réduction du tabagisme est une honte pour le Sénat.

« Ce plan renforce le contrôle et les contraintes sur ceux qui produisent et vendent le tabac, en particulier aux plus jeunes, mais n’impose aucune contrainte aux fumeurs, si ce n’est de ne pas enfumer les enfants, ce que l’immense majorité d’entre eux font déjà. Seul 16 sénateurs ont défendu l’honneur du Sénat en refusant d’obéir aux lobbies : 10 écologistes ont résisté à la pression des lobbies et 6 socialistes qui ont soutenu leur ministre.

« En 2006, malgré les vociférations et menaces de la filière tabac, la fin de la pollution tabagique dans les locaux a permis de diminuer de plus de 80% de la pollution par les particules fines des locaux à usage collectif, offrant ainsi la liberté à chacun de respirer un air plus pur. Cette « interdiction » est clairement très majoritairement vécue rétrospectivement comme une « liberté » par les Français.

« Oui la santé publique défend la liberté et la fin programmée du tabac. Attaquer sur ce plan la santé publique, c’est être liberticide. Vive la liberté, vive la fin programmée de la vente du tabac.