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13 Fév 2019 | Profession
 

Philip Morris, le plus grand fabricant de cigarettes au monde, veut utiliser la technologie contenue dans ses nouveaux produits de vapotage pour offrir des services de dépistage de santé à ses utilisateurs.

Il y a trois ans, Philip Morris International (PMI) a annoncé son intention de réduire sa production de cigarettes classiques pour les remplacer par une ligne de produits « sans fumée », comme les cigarettes électroniques et les articles qui chauffent le tabac sans le brûler.

•• Il affirme que ces produits sont beaucoup moins nocifs, même si le fabricant des célèbres Malboro n’a pas encore réussi à convaincre l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la communauté médicale.

En attendant, PMI compte utiliser la technologie contenue dans ses nouveaux produits pour proposer des services allant du suivi de santé à l’assurance vie.

•• « Dans le monde d’aujourd’hui, je vois (…) un écosystème que vous créez autour du produit, par exemple quels autres services vous offrez au consommateur en plus de votre produit phare », a expliqué le PDG de PMI, André Calantzopoulos (voir Lmdt du 27 janvier), lors d’une récente interview à l’AFP.

« Nous avons de l’électronique dans ce nouveau produit, nous avons donc la possibilité de nous connecter aux consommateurs qui le transportent 16 à 17 heures par jour », a-t-il poursuivi.

•• L’un des premiers projets de PMI est de proposer une assurance vie aux utilisateurs de son produit le plus populaire, l’Iqos, qui chauffe le tabac au lieu de le brûler.

M. Calantzopoulos estime que les consommateurs de produits sans combustion devraient bénéficier d’un rabais sur les assurances vie par rapport aux fumeurs traditionnels, qui doivent souvent payer deux fois plus cher que les non-fumeurs en raison des risques liés à leur addiction.

Un certain nombre d’assureurs proposent déjà des rabais aux clients qui acceptent de porter des moniteurs d’activité physique comme le Fitbit.

•• Alors que cette pratique soulève des questions de droit à la vie privée, PMI affirme que des assureurs envisageraient d’offrir aussi des rabais aux fumeurs qui peuvent prouver qu’ils ont abandonné la cigarette traditionnelle pour les produits « sans fumée ».

Des bracelets connectés peuvent par exemple détecter les mouvements de la main selon que l’on fume une cigarette ou un produit électronique.

•• Derek Yach, fondateur et président de la Fondation pour un monde sans tabac (voir Lmdt du 1er juin 2018), soutenue par PMI, défend cette initiative. « Je pense que les objets connectés sont la direction à suivre », a-t-il dit à l’AFP. Ils poussent déjà les gens à faire davantage d’exercice, à mieux manger et dormir, a-t-il expliqué. « Ce qui manque, c’est aider les gens à arrêter de fumer. »

Les recherches menées par PMI affirment que les utilisateurs de produits comme Iqos, inhalent environ 90 % de toxines en moins que les fumeurs. Aujourd’hui, il y a environ un milliard de fumeurs dans le monde, et plus de 7 millions de décès sont liés chaque année au tabac, selon l’OMS.

•• En l’absence de recherches indépendantes, Philip Morris a du mal à convaincre la communauté médicale internationale de la « réduction des risques sanitaires » qu’offriraient ses produits.

En octobre dernier, des membres de la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac (FCTC) sont convenus que les nouveaux produits de vapotage devront subir les mêmes restrictions que les cigarettes.

Les activistes antitabac rappellent que les fabricants de tabac affirmaient déjà que leurs nouvelles cigarettes à filtre et à faible teneur en goudron allaient réduire le risque sanitaire. Ils dénoncent également l’attirance que suscitent ces nouveaux appareils élégants auprès des jeunes.

•• Selon un rapport publié cette semaine par le Centre américain de contrôle et de prévention des maladies (voir Lmdt du 12 février), le nombre de jeunes Américains consommant des cigarettes électroniques a augmenté d’un million et demi en 2018, réduisant à néant des années de réduction du nombre de fumeurs dans les lycées et collèges.

M. Calantzopoulos dit comprendre « le manque de confiance ». Mais il estime que les professionnels de santé devraient au moins étudier la possibilité que ces nouveaux produits réduisent la consommation de tabac et sauvent des vies.

•• M. Yach, qui a été un haut responsable de l’OMS, souhaite que ses anciens collègues mènent leurs proches recherches.

Aujourd’hui, dit-il, la quête du profit a finalement convaincu l’industrie du tabac de développer des produits moins nocifs qu’elle peut continuer à vendre. Il faut « davantage d’engagement » de la communauté médicale pour trouver le moyen de renoncer au tabac, martèle-t-il. Mais « ça ne signifie pas que nous devons cesser de surveiller » les fabricants de tabac.