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20 Mar 2016 | Pression normative
 

Xavier BertrandChaque année, le quotidien Les Échos confie l’intégralité de sa rédaction à un certain nombre de personnalités.

Ces journalistes d’un jour ont écrit, ce dimanche 20 mars, l’édition de demain. Parmi eux, Xavier Bertrand – président (LR) du Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais-Picardie et ancien ministre de la Santé – et Romain Niccoli – cofondateur de Criteo, une start-up à succès de publicité numérique cotée au Nasdaq – qui ont remis leur copie intitulée « Tabac : peut-on rester neutre sur le paquet neutre ». Nous en reproduisons l’intégralité.

« Alors qu’approche le 20 mai, date officielle d’entrée en vigueur du paquet de cigarettes neutre, la bataille fait toujours rage entre tenants et opposants de cette mesure. Avec ce nouveau paquet, le message sanitaire occupe presque tout l’espace et le nom de la marque est réduit à sa plus simple expression. Les partisans, comme Yves Bur, ancien député spécialiste du tabac, rappellent qu’en Australie, le seul pays où la mesure est en vigueur depuis décembre 2012, la baisse de consommation de cigarettes est réelle. « On le voit en particulier sur les jeunes, puisque l’âge moyen auquel ils commencent à fumer est retardé de six mois. De plus, ils sont moins nombreux à basculer dans le tabac ». Le paquet neutre réduirait donc bien l’attractivité des cigarettes.

Cependant, la baisse des ventes légales n’est pas la baisse de la consommation totale, répondent les industriels du tabac comme les buralistes. Ils mettent en avant l’augmentation du marché parallèle. Pour eux, le paquet neutre se prête beaucoup plus facilement à la contrefaçon et d’après une étude de KPMG controversée, les ventes sur le marché parallèle auraient augmenté de 25 % en Australie depuis l’instauration du paquet neutre.

Les ventes transfrontalières explosent

Mais on manque de données publiques sur les objectifs et l’impact des politiques anti-tabac. En France, où plus d’une cigarette sur quatre ne sort pas du réseau des buralistes, la crainte est que les ventes transfrontalières explosent, d’autant que le paquet neutre à la française va plus loin que la directive européenne.

Les buralistes ont conscience que le compte à rebours est engagé d’ici au 20 novembre, date à laquelle ils ne pourront plus écouler leurs stocks d’anciens paquets non-neutres (Ndlr : ce qui inexact. Les buralistes pourront vendre leurs paquets non-neutres restants sans limite de temps après le 20 novembre, jusqu’à épuisement de leur stock / voir Lmdt du 29 février). Mais ils continuent à réclamer que la France agisse en cohérence avec l’Europe et surtout avec nos voisins directs en matière de lutte contre le tabagisme. 

« S’entendre entre pays riverains est une évidence : quand la France augmente le prix du tabac, la Belgique se garde bien de le faire en même temps et autant, de façon à récupérer les clients », rappelle Thierry Lazaro, député du Nord, qui soutient les buralistes dans leur combat – pour lui, il en ira de même avec le paquet neutre. « La France veut être le bon élève, est-ce pour faire de la com ou pour être efficace ? », conclut-il. En 2014, 100 points de ventes ont fermé dans le Nord-Pas de Calais, 140 en 2015 sans pour autant que la consommation diminue, l’approvisionnement en cigarettes se faisant à partir de la Belgique, où les différences de prix sont marquantes.

Renforcer les messages sanitaires

En définitive, le paquet neutre va entrer en vigueur parce qu’il permet de renforcer les messages sanitaires, et qu’il diminue les politiques marketing des cigarettiers. Mais on n’a pas de certitude sur son efficacité. Mais chacun sent bien qu’au-delà du débat sur le paquet neutre se profile – avant la présidentielle ? -celui de l’augmentation massive du prix du tabac en France. Une mesure qui de l’aveu de tous, aurait probablement beaucoup plus d’impact ».